jeudi 27 mai 2010

Marie Dobbelaere, le temps de réfléchir







Marie Dobbelaere vit à Gand en Belgique. Elle a vingt ans et fait des études pour travailler dans le social.

L’année dernière elle a fait un stage à Bruxelles dans une association très créative, Pigment dont le travail de lutte contre la pauvreté a été salué par un prix de 20000€.

Travailler à Bruxelles cela veut dire parler français et si Marie a appris la langue à l’école, elle a besoin de se perfectionner.





Aussi cette année, pour son stage elle a cherché une institution en Wallonie mais sans succès. L’école supérieure Artevelde avait des connections, mais directement en France, pas en Belgique même.


centre ville de Gand

Deux langues c’est une richesse mais en Belgique, les choses se compliquent dès qu’il faut discuter les lois et les gouvernements finissent par tomber. Pourtant la séparation avec les wallons ne changerait rien à la vie de tous les jours mais il y a de moins en moins de solidarité entre les deux parties du pays.



En lien avec son école, c’est donc l’IRTS de Ban St Martin qui envoie Marie au Fomal de Thionville pour un stage de quatre mois.


Marie au Fomal



Là elle côtoie les résidents du centre d’accueil en tâchant de les aider pour les petites choses. Le plus important est d’installer une relation informelle comme parler avec eux sans relation hiérarchique. Mais pour les résidents ce n’est pas facile d’être dans un endroit pour recevoir de l’aide. Ils ont besoin qu’on les envisage comme des êtres humains avant tout. Le travail de Marie est de gommer cette dépendance des résidents envers le travailleur social. Elle porte d’abord son attention sur ce qui va bien dans la vie des résidents pour leur permettre de développer le pouvoir qu’ils ont sur leur vie et les amener à faire les choses eux-mêmes.

Son expérience en France l’a sortie de son monde. A Gand elle vit avec des gens qui ont eu la même éducation et le même genre de problèmes. Dans le foyer universitaire où elle habitait pendant son stage, il n’y avait pas de français et les gens venaient du monde entier. Elle a réalisé que pour ceux qui venaient d’Afrique par exemple et qui vivent avec 200€ par mois, la vie est trop chère ici. Leur ferveur religieuse l’a aussi étonnée, elle allait à la messe chaque semaine avec une amie du foyer.

Sinon en France, il y a toujours des problèmes avec les papiers. Rien que pour son dossier d’inscription on lui a demandé le compte de téléphone portable de son père, son salaire, un relevé d’électricité. En Belgique on n’est pas aussi exigeant et on n’est pas contrôlé plusieurs fois de suite par la police comme elle a pu le voir en se promenant dans les rues de Metz avec un ami noir.



Marie a toujours vécu avec ses parents et elle avait l’habitude de faire toujours beaucoup de choses sans avoir de temps pour réfléchir. Marie appartenait à un groupe jeune et nature et pendant deux ans elle était responsable de l’organisation des activités. Il fallait trouver une activité par semaine, éditer un petit journal tous les trois mois et créer une bonne atmosphère entre les équipes pour que chacun puisse dire ce qu’il pense. Les membres étaient tous amis mais il fallait gérer les réunions de façon stricte et ne pas se perdre en paroles mais poser des actes.



Vivre seule lui a permis de changer son regard sur le monde et d’être contente des petites choses qu’elle arrive à réussir. Elle ne connaissait personne et le fait de toujours avoir à parler à des gens qu’elle ne connaît pas a été comme un défi : se prouver à elle-même qu’elle est « Marie », se forcer à parler ou bien rester seule, même si c’est difficile d’exprimer ses sentiments dans une langue étrangère.


mercredi 19 mai 2010

Angela Simonyan, la musique sans frontière

















Angela Simonyan est née le 27 aout 1994 en Arménie. Sa grand-mère et sa mère ont connu l’Arménie soviétique. La grand-mère regrette une époque où tout le monde avait du travail, elle travaillait en usine, la mère apprécie la liberté d’expression qui existe aujourd’hui, elle était professeur de Musique.

Aujourd’hui elles demandent l’asile en France.

Pour elles, la France était un pays de culture et d’égalité entre les hommes et les femmes, les riches et les pauvres, un paradis humanitaire. Le pays de la liberté.



La mère d’Angela a refusé le mode de vie de son mari et il a fallu quitter l’Arménie.

Angela n’avait pas imaginé son arrivée en France comme ça : elle ne savait pas qu’elle aurait un hôtel pour maison. Pour ses camarades de classe elle est avant tout étrangère, pas réfugiée. Elle a donné une interview au journal parce qu’elle ne pouvait pas dire non mais Angela n’aime pas étaler sa vie en public.

La vie de réfugiée c’est ne jamais savoir quand la lettre de la préfecture va arriver. Cette lettre qui ordonne de quitter le pays, certains l’ont déjà reçu dans l’hôtel. Angela et sa famille ont déjà reçu un refus de l’O.F.P.R.A et attendent la réponse de leur deuxième recours. Si elles sont là c’est qu’elles ont choisit la France : elles ne pensent pas à repartir.


A Thionville, c’est l’association Athènes qui aide les demandeurs d’asile dans leurs démarches et dans la vie de touts les jours.


En attendant, sa mère et sa grand-mère suivent les cours de français de la paroisse notre Dame et Angela fait aussi l’interprète pour elles et les gens de l’hôtel. C’est un plaisir de pouvoir aider. Elle se souvient trop bien quand elle ne parlait pas encore français et que personne ne l’aidait. Il lui a fallu un mois pour commencer à parler. Quand on arrive sans parler un mot et que personne ne comprend ce qu’on dit, il faut décider d’apprendre très vite pour s’adapter. Aujourd’hui encore Angela ne parle pas beaucoup en classe car elle a besoin d’être en confiance pour oser parler librement.


Angela va au collège et suit les cours de violon d’Elisabeth Bauer au conservatoire. A la demande M. Filippi, curé de notre Dame, Roland Kirch qui a une longue carrière de violoniste symphonique derrière lui, a accepté de faire répéter Angéla car à l’hôtel il n’est pas possible de jouer sans déranger les voisins.

Angela fait du violon depuis l’âge de huit ans.


Pour elle, la musique c’est comprendre et sentir, apporter quelque chose de soi dans le jeu. A l’église notre Dame, Angela a joué «l’oiseau» un morceau de Komitas, célèbre musicien arménien exilé à Paris pendant le génocide. La musique veut ce qu’elle veut , l’émotion passe et les larmes viennent aux yeux de ceux qui l’écoutent.




En Arménie, Angela a eu le 1er prix du concours « route de la renaissance » quand elle était en 6ème. En 2006 elle a quitté la chorale à la quelle elle appartenait pour se consacrer au violon et deux mois après la chorale partait en France accompagner Charles Aznavour et Hélène Ségara (qui est aussi d’origine arménienne) sur la scène de l’Opéra Garnier à Paris …

Et la voilà ici, elle a laissé ses amis derrière elle et commencé son autre vie à zéro. Angela voulait partir, elle ne pouvait plus continuer à jouer du violon là-bas.