vendredi 17 décembre 2010

Bernard Jeannenot: pour une Vie Libre

Fichier:jeannenot.jpg

Bernard Jeannenot a grandi dans la cité Médoc de six à vingt et un ans. Son père travaillait pour l’immobilière thionvilloise qui logeait les gens de Sollac et qui allait devenir Batigère après fusion. En revenant du service militaire, Bernard s’installe avec sa première femme, au 10 rue Christophe Colomb, dans l’immeuble qu’on appelle la banane, avenue de Douai. S’il y était resté toutes ces années, il serait aujourd’hui sous le coup d’un relogement car cet immeuble va être réaménagé et plusieurs cages d’escalier, dont le numéro 10, vont être démolies.

Fichier:bj1.jpg

Mais déjà la famille avait déménagé au numéro 16, Bernard s’en souvient bien, il avait les pieds dans le plâtre et c’est messieurs Firek et Fichback qui l’avaient aidé à déménager d’une cage à l’autre. Les gens se connaissaient bien car tout le monde travaillait à la Sollac : il y avait une vraie solidarité entre eux. A l’époque, il suffisait de descendre au pied de l’immeuble et de claquer ses boules l’une contre l’autre pour voir rappliquer les autres boulistes en moins de cinq minutes.


Fichier:solber3.jpgFichier:bernard.jpg

En 1985, Bernard divorce et quitte le 16 pour un studio rue du chardon. En 1990 il s’installe aux Cofimec à Yutz mais dès 95, son fils qui a gardé l’appartement familial, lui signale qu’il y a un logement libre sur son palier et Bernard revient rue Christophe Colomb. Sa fille s’installe juste au dessus et jusqu’en 2004, toute la famille, c'est-à-dire les enfants et petits enfants de Bernard et les enfants de Marie-Paule, sa nouvelle compagne, vont vivre ensemble, portes ouvertes et sur deux étages. Le relogement et la réhabilitation de la banane sont bien avancés mais Bernard trouve que certaines choses marchent à l’envers. Par exemple, dans la cage d’escalier du 16 on sait depuis longtemps que l’entrée de l’immeuble va s’inverser et le F5 du rez-de-chaussée va perdre une pièce: pourtant une famille qui voulait un F5 à été relogée dans cet appartement sans savoir qu’il allait devenir un F4 à cause des travaux. Le bailleur a aussi évoqué la possibilité de passer d’un F5 à un F3 car maintenant Bernard et Marie-Paule sont seuls. Mais non seulement les enfants et petits enfants viennent toujours à la maison mais en plus Bernard pense que la loi sur le relogement tient compte de la surface réelle des appartements dans ces cas là et leur appartement est un petit F5. Au pire il faudrait qu’ils lui proposent un F3 de la même superficie et dans le quartier. Ce serait vraiment dur de s’adapter mais après tout, Bernard l’a déjà fait dans sa vie. Il a appris à accepter les choses comme elles sont en luttant contre la maladie alcoolique.

Bernard a commencé à travailler à quatorze ans en 1959 à Hayange sur le train à chaud. Rectifieur, tourneur pontier cariste, il a tout fait. Mais, avec les années qui passent, quelque chose l’empêchait de monter en grade malgré la qualité de son travail. En 1989, il se décide à faire une cure de désintoxication. Il fuit littéralement à Cabri près de Grâce dans le midi, il n’a pas envie qu’on lui fasse la morale. Il va refaire le chemin à l’envers et comprendre ce qui l’a amené là. S’il n’a pas bu avant son service militaire, la majorité, à 21 ans à cette époque là, va lui donner petit à petit l’occasion de boire : l’alcool est synonyme de convivialité et de force et on boit de plus en plus sans s’en apercevoir. Mais ce que la cure va lui apporter c’est la découverte, à quarante cinq ans, qu’il est dyslexique. Il se souvient de ce qu’on disait de lui à l’école : « Bernard est un fainéant, il ne travaille que quand il en a envie… » les première lignes de ses devoirs étaient sans fautes mais pour les dernières il perdait sa concentration et le nombre des fautes éclataient. Avec un père à cheval sur l’orthographe et porté sur le beau parler… ne pas pouvoir restituer ce qu’on a fait parce qu’on confond les B et les P est un vrai handicap. Mais les parents élèvent leurs enfants de la même manière alors que chacun a ses faiblesses et ses forces. Le résultat c’est le premier prend ça bien le deuxième mal et que le troisième souffre. C’est la racine de la maladie alcoolique : être mal compris et dévalorisé au départ. Ce que Bernard a compris aussi c’est qu’on ne peut demander à ses parents ce qu’ils n’ont pas reçu eux-mêmes. Pendant la dernière guerre, le père de Bernard avait fuit Thionville avant l’arrivée des allemands. Il n’avait pas vraiment eu le choix : ses parents venaient de divorcer, chose rare à l’époque et sa mère ne voulait pas de lui ni d’ailleurs la nouvelle femme de son père. Une histoire d’enfant orphelin de parents vivants.


Il avait vivoté en faisant des petits boulots avant d’atterrir du côté de Beauvais et de rencontrer sa future femme, réfugiée elle aussi. La cure lui a permis de comprendre ses parents et de choisir. Car la maladie alcoolique est la seule dont le patient peut décider de guérir. Il suffit d’arrêter de boire.

Mais l’abstinence est un chemin très exigeant. La personne qui l’a encadré à Vie Libre était abstinente depuis vingt six ans quand, pour fêter un événement joyeux elle s’est autorisé une coupe de champagne : la rechute est terrible. La maladie alcoolique laisse dans l’organisme une substance proche de la morphine : la T.H.P, tétrahydro papavéroline qui prend petit à petit la place naturelle des endorphines chargées de soulager nos douleurs. En cas de reprise de la consommation d’alcool, les malades alcooliques perdent tout contrôle et la T.H.P va pousser les pousser à boire de façon mécanique et répétitive. Il faut donc se méfier des coups de « tömel » et savoir ce qu’on veut car, pour Bernard, une rechute se sent venir et si ça recommence quand on a réglé ses comptes avec le passé, « c’est qu’on a soif ».



Fichier:vielibre1.jpg

On est donc acteur de sa guérison et quand Bernard va parler devant des lycéens au nom de l’association Vie Libre, c’est pour leur dire qu’il ne faut pas perdre la liberté de boire pour le plaisir. Il ne s’agit pas de leur interdire de boire mais de leur donner les moyens de gérer leur consommation avec modération pour qu’ils puissent boire pour le plaisir toute leur vie et non contraints et forcés par la maladie.

L’alcool et les jeunes est un sujet préoccupant mais il ne faut pas perdre de vue qu’il prend souvent la place de ce qui manque et si, aujourd’hui certains jeunes défraient la chronique par leur abus d’alcool, c’est surtout pour attirer l’attention sur leur mal-être. Avec des parents absents parce qu’ils travaillent tous les deux, comment prendre une place dans cette société sans structure. La suite dépend du groupe auquel on va appartenir et les codes qui définissent le comportement de chacun. Parfois, c’est hiérarchie, violence, picole. Bernard a été appelé récemment dans un établissement scolaire à cause de six jeunes filles ivres mortes le matin en classe : elles lui ont dit que, « bonne notes mauvaises notes, à la maison leurs parents ne font pas la différence ». La maladie alcoolique nait du sentiment de sous-estimation de soi.

L’association de soutien aux malades alcooliques, Vie Libre, offre justement la liberté à chacun de prendre des responsabilités et d’être valorisé par son action. Bernard a été responsable deux ans et puis a laissé la main à quelqu’un d’autre. Certains font des cures par obligations de justice, pour ramener la paix dans la famille, pour s’en sortir, il faut comprendre que l’alcool est une maladie et donc qu’on peut en guérir. L’association est un endroit où les gens peuvent parler de tout et de rien et de leur problème s’ils le veulent, en toute liberté et sans jugement.


VIE LIBRE/Permanence  à Thionville : 5 rue du manège le mardi  et mercredi de 17h à 19h vendredi de  10h à 12h
4ième lundi de chaque mois réunion salle du manège ouverte à tous.

Permanence à Yutz à l’escale, le lundi de 14h à 16h aux Cofimec, 2 rue de Bretagne et au centre médicosocial, rue des nations, de 17h à 19h.



Fichier:vielibre.jpg
article publié sur wikithionville

dimanche 7 novembre 2010

Pierre Stolze, un drôle d'enfant de cœur



Fichier:stolze.jpg

Pierre Stolze a vécu à Œutrange entre 1992 et 2007. Il cherchait un autre mode de vie avec potager et jardin. Il y avait encore une épicerie une boulangerie, deux bistros et un bureau de poste, essentiel quand on est écrivain. La poste était ouverte tous les matins, puis de plus en plus tard dans la journée, puis seulement deux jours par semaine et enfin plus du tout. Le village se meurt lentement et Pierre s’est replié depuis sur un autre quartier de Thionville.

L’histoire thionvilloise de la famille Stolze commence en 1927 avec un grand père allemand qui au début du siècle dernier épouse une alsacienne et cherche à s’installer en lorraine pour y ouvrir un grand hôtel. Personne ne veut lui vendre de local à Nancy mais c’est là qu’il entend parler d’un superbe emplacement au coin de la rue Castelnau et de la rue d’Angleterre à Thionville. Le Trianon Palace restera dans la famille jusqu’en 1990.

Pierre, né en 1952, va à la Providence puis à l’école saint Pierre qu’il quitte à l’âge de onze ans à destination du collège épiscopal de Bitche[2] pour faire curé. C’est le vœu de la famille qui suit là le désir de Pierre de devenir missionnaire en Afrique. Il change assez vite d’idée et devient la bête noire de l’évêque de Metz en se faisant remarquer par des articles iconoclastes dans la revue du collège.

Ce qui ne l’empêche pas de servir la messe pour lui quand il vient au collège. Pierre est enfant de chœur depuis ses six ans, sa mère craignait que ça ne soit trop jeune mais pour faire « pot de fleur », le premier grade d’enfant de chœur, Pierre faisait bien l’affaire. Si bien que le curé venait parfois le chercher jusque dans sa classe de l’école St Pierre pour officier dans un mariage ou un enterrement. A Bitche[3], il atteindra le sommet de la hiérarchie du chœur en devenant « grand thuriféraire ». Son rôle est d’alimenter l’encensoir et d’encenser la foule des croyants et le prêtre qui officie la messe.

Pierre se souvient d’une farce de son cru qui consistait à séparer l’encens et les braises par une couche de cire de bougie dans l’encensoir avant de le tendre au curé : la cire étouffait les braises, le curé impatient secouait le tout pour obtenir une réaction ce qui provoquait la combustion de la cire et noyait le chœur d’une épaisse fumée. Il se souvient aussi des paris que les enfants de chœur prenaient sur les dames les premières arrivées pour recevoir la communion. C’est bien parce qu’il est bon élève que le collège le gardera.


Pierre ira jusqu’en Normale Sup[4]. Il pense s’orienter ensuite vers l’Ecole Française d’Extrême d’Orient, l’archéologie est sa passion et il a déjà déposé un sujet de thèse sur la disposition des temples d’Angkor au Cambodge. Mais dans les années 70, c’est la guerre dans cette région d’Asie, Saïgon et Phnom Penh tombent et Pierre ne verra jamais Angkor[5].


Mais rien ne se perd. Pour se délasser du concours d’entrée à Normale Sup[6], Pierre a découvert « Le Monde des Ā » le célèbre roman de science-fiction de Van Vogt[7] traduit en français par Boris Vian[8] en 1953. Il dévore cette littérature nouvelle pour lui et écrit un premier roman en 1976, « Le Serpent d’Eternité » dans lequel Angkor sert de décor. En 1977, Il se fait remarquer par la communauté littéraire en signant une nouvelle dans la revue Fiction, intitulé « ah ! dit-il en se grattant les couilles » car il perpétue la tradition des Normaliens écrivains qui a tendance à disparaître. Mais est-il capable d’écrire un livre publiable ? Son livre est finalement édité en 1979.


Pierre est prof de français et de latin à Fameck entre 1980 et 84 mais il ne peut enseigner et écrire de front. Il passe sa thèse de doctorat en 1994 avec pour sujet la Science Fiction comme renouvellement de la littérature classique par son inventivité et la métaphorisation de ses formes. A cette époque la S.F fait partie de la contre-culture au même titre que la B.D et le polar. La soutenance de thèse dure six heures ! On se méfie d’un normalien écrivain de surcroît qui s’intéresse à la S.F. Pierre se fait mettre en disponibilité et se consacre à l’écriture. Il adore la fiction spéculative qui explore un futur toujours proche et sert de miroirs déformant de notre réalité. Le thème du voyage dans le temps lui plaît aussi car il a à voir avec l’enfance, comme une faculté que perdrait l’adulte. Il va écrire seize romans et recueils de nouvelles.

Fichier:serpent.jpgFichier:usher.jpgFichier:isidore.jpgFichier:noel1.jpg


Le plaisir d’être écrivain c’est enfin avoir une bonne histoire en tête et aussi relire le texte achevé. Entre les deux étapes réside le travail toujours recommencé et ardu, page après page. Pierre est devant l’ordi à 9 heures et après cinq heures de travail il est K.O. Le livre commence quand il a la première et la dernière phrase et tout le plan en tête.

Un roman est réussi quand il en rêve la nuit : cela signifie que les personnages commencent à exister et prennent leur indépendance. Le livre vit quand il laisse des images dans la tête de ses lecteurs.

Son dernier ouvrage* est un récit sur le rôle de sa mère qui s’appelait encore Simone Coqué, dans le réseau de résistance de Georges Garel qui a sauvé 5000 enfants juifs entre 1942 et 44. Le livre raconte comment Salomon Jassy, rescapé de l’extermination grâce au réseau, a retrouvé Simone avant de la faire nommer Juste devant les Nations à l’âge de 90 ans.


Du parquet ciré de la piste de danse du Trianon où il glissait petit garçon, à la tour qu’il habite maintenant avec sa femme rue Castelnau, en passant bien sûr par les jardins de l’Ecole Normale où il déposait ses chats pendant les cours avant de les récupérer le soir sur les épaules, Pierre Stolze est devenu un écrivain.



Pierre Stolze publie également textes et critiques littéraires dans la revue Bifrost[1]





*la publication de ce dernier livre donnera lieu à une conférence à l’Adagio le jeudi 10 février 2011 à 20h30.
publié dans wikithionville

samedi 23 octobre 2010

François combe, une politique des villages


Fichier:combes.jpg


François Combe a vécu la fin de la sidérurgie Lorraine en particulier sur les bassins de Thionville, de la Fensch et de l’Orne. Après 24 ans passés au service informatique de Sollac et d’Unimétal où il était chargé de l’informatisation du groupe, des bureaux aux lignes de production, il savait que sa venue dans un service signifiait des licenciements mais il a assisté en tant que délégué du personnel à un manque de réaction au changement : pourtant, l’installation d’un écran dans un service engendrait en général le licenciement de trois personnes.

François Combe a quitté Sollac en 1987 pour créer sa propre entreprise, Adhésif System. L’entreprise était spécialisée dans la découpe d’adhésif servant à décorer des véhicules, des vitrines, des panneaux, des caissons lumineux ou encore de la signalétique. Elle comptera jusqu'à quinze salariés.

Chez adhésif-système tout le monde gagnait le même salaire. Presque arrivé au terme de sa carrière, François Combe vendra son entreprise à la société Signalest qui faisait partie du groupe Girod-Lacroix.

Aujourd’hui il est Adjoint au Maire de Thionville en charge des huit villages faisant partie de Thionville.

En 1967, deux villages ont fusionné avec Thionville : Veymerange et Elange.

En 1970, six autres villages font de même : Garche, Koeking, Oeutrange, Volkrange, Beuvange, Metzange.

A cette époque, François habitait déjà à Garche, il y était arrivé en 1957. Auparavant il vivait avec ses sept frères et sa sœur, la petite dernière, dans la cité Oury-Sud, un quartier populaire à cheval entre les communes de Fameck et Florange.

François était l’ainé et jamais le dernier à participer aux bagarres autour du garage Camisan, entre les enfants de la cité et ceux de Florange - Centre.

A Garche, la famille Combe s’installe dans une vieille ferme au centre du village, une grande maison avec un potager et une vraie basse-cour : des canards de barbarie, des poules, des coqs, des lapins et même tous les ans deux cochons.

Dans les années cinquante, le pays était en pleine reconstruction : le maire de Garche avait mis des terrains à disposition d’un groupement coopératif, les Castors. Ces cinquante-trois maisons sont toujours à l’entrée du village.


Fichier:garche.jpgFichier:garche3.jpgFichier:garche1.jpg


Les travaux étaient collectifs et une fois finies les maisons furent tirées au sort. C’était la condition pour que tout le monde participe au même niveau d’engagement à la construction de chaque maison.

Les nouveaux habitants n’étaient pas du village et leur intégration à Garche a été assez laborieuse, d’un côté les Castors et de l’autre les anciens de Garche. Les différences se sont comblées peu à peu et c’est même des Castors que sont venus les gens qui ont participé à la vie active du village : Bruno Magini a présidé pendant 43 ans le club de football, l’Espérance Sportive de Garche, secondé par un autre habitant des Castors, Etienne Zawadzki.

Ensemble, ils ont crée le comité des fêtes de Garche - Koeking. A leur mort, les habitants ont souhaité que le stade de Garche porte leur nom en souvenir de leur engagement au service du village. Le Maire de la précédente municipalité a refusé.

garche2.jpg


François Combe avait été Conseiller Municipal de 1977 à 1989.

Exclu du parti socialiste pour être entré en dissidence, il avait renoncé à la politique et il envisageait une retraite paisible à s’occuper de ses petits enfants et en faisant quelques voyages en compagnie de son épouse. Mais ce refus de nommer le stade allait ranimer sa flamme et le pousser à éditer un « Petit Journal » pour aborder les problèmes des villages. Il ne lui fallait pas moins d’une semaine pour diffuser lui-même chaque numéro dans les huit villages faisant partie de Thionville.

Aux dernières élections, Bertrand Mertz, le nouveau Maire socialiste, lui a proposé d’être sur sa liste et François Combe a accepté à deux conditions : parce que pas grand chose n’avait été réalisé pour les villages, que soit prévu un budget annuel permettant de rattraper le retard des 40 dernières années et deuxième condition, qu’il soit nommé Adjoint en charge des villages pour pouvoir réaliser ce budget.


Aujourd’hui 4 conseillers municipaux l’assistent dans son travail, Nathalie Swol s’occupe du village d’Oeutrange, Josy-Anne Oestreicher de Garche et de Koeking, Giocondo Cavalière s’occupe de Volkrange, Beuvange et Metzange et Jean-Luc Gonella de Veymerange et d’Elange.

Gilles Thuillet est le responsable technique à la Ville en charge de résoudre les différentes demandes émanant des villages. Il est assisté dans sa tâche par Marie-Julie Salliard.

Depuis maintenant deux ans, beaucoup de choses ont été réalisées et des Conseils Consultatifs de village sont en train d’être mis en place. Ils seront constitués de personnes volontaires concernées par la vie de leur quartier. C’est une façon de rester au courant des projets en cours.

de gauche à droite:
Garche, oeutrange,beuvange, Volrange, Elange, Veymerange
Elange koeking












vendredi 15 octobre 2010

Noëlle Leclerc, la nécessité de transmettre

Fichier:fleur.jpg

Noëlle Leclerc est retraitée depuis 2008. Noëlle a plus d’une passion : elle aime montrer ce qu’elle fait et partager ses savoirs avec les gens, elle aime l’enluminure pour la paix qu’elle procure à celui qui la fait, elle aime les livres pour le plaisir de lire et l’art de la reliure.


La reliure, Noëlle l’a apprise avec monsieur Falkenroth qui est mort cette année, un grand relieur au service des communes de la région puis du centre Jean Morette où il transmettait son art. Là elle a appris à débrocher et recoudre en se faisant la main sur sa collection d’auteurs russes qu’elle adorait dans sa jeunesse et dont elle avait encore toute la collection en format de poche. Du livre au parchemin Noëlle est passée à l’enluminure, c'est-à-dire l’ornementation de la première lettre du premier mot de la première phrase d’une page. C’est une pratique qui remonte au moyen-âge et à la confection d’ouvrages religieux par les moines copistes et enlumineurs. Les pages sont en parchemin, c'est-à-dire en peau animale et c’est toute une alchimie pour parvenir à peindre. Les dessins sont rehaussés à l’or fin et la préparation des sous-couches est longue, minutieuse et mystérieuse car on utilise les mêmes techniques qu’au moyen-âge. Le « mordant », la couche préparatoire est faite de plusieurs couches de gomme ammoniaque, gomme arabique et eau de miel avant d’être poncée à l’agate pour obtenir une surface si lisse que lorsque on pose la feuille d’or, on peut se voir dedans. C’est un travail en plusieurs étapes qui développe la patience et l’intériorité. Noëlle aime les mots attachés à cette pratique. Eux aussi viennent du moyen-âge et elle a envie de communiquer cet amour pour donner envie de lire aux gens.

Depuis une dizaine d’année maintenant, Noëlle anime les ateliers de français du centre social Le Lierre à Thionville, en bonne entente avec Stéphanie Bucci qui coordonne les ateliers. Le jeudi, les groupes de nouveaux arrivants qui ne parlent pas notre langue et le vendredi, des groupes de perfectionnement pour ceux qui ont quelques difficultés.
Monique, Chantal et Saveiria élaborent le roman du GR20


Ces ateliers ont commencé quand Noëlle était encore animatrice au foyer des jeunes travailleurs où elle avait été embauchée pour remettre la bibliothèque en ordre justement. Noëlle qui est secrétaire de formation avait arrêté de travailler quatorze ans pour s’occuper de ses enfants. Madame Niedercorn, la directrice du F.J.T, lui permettra de passer le diplôme d’animatrice le BEATEP qu’elle obtiendra en janvier 2000. A quarante quatre ans Noëlle, qui venait d’une famille sans problème particulier, découvre les difficultés que peuvent vivre certains jeunes. Pour venir en aide à ceux qui ont du mal avec la langue elle se forme à l’I.R.F.A aux techniques de lutte contre l’illettrisme. Mais avec le temps elle a appris que la méthode ne suffit pas : il faut avoir envie de faire avancer les gens et s’intéresser à eux. Savoir les écouter et se remettre toujours en question. C’est une aide personnalisée et Noëlle s’adapte aux besoins des gens. Une jeune ingénieure russe aura besoin d’un apprentissage ardu et sera capable d’assimiler un vocabulaire très spécifique alors qu’une jeune maman aura besoin de pratiquer assez la langue pour faire ses courses, déchiffrer un courrier administratif, contrôler le carnet de notes des enfants. Pour ça Noëlle se sert de logiciels d’apprentissage par modules phonétiques et grammaticaux ce qui nécessite aussi une approche de l’ordinateur et de son fonctionnement. Les participants pratiquent chaque module et Noëlle évalue leurs progrès régulièrement jusqu’à assimilation complète du module.


Noëlle, qui a dix sept ans voulait être institutrice a d

écouvert grâce au bénévolat une façon d’être utile et d’aider les gens au cas par cas. Si elle prend en compte la situation particulière des gens, elle ne dépasse jamais son rôle de formatrice. Pour aider, il faut garder la bonne distance.

Elle a appris à voir les gens au-delà des aprioris qui font de tous les étrangers des profiteurs. Elle sait que ce n’est pas vrai et que la plupart a vraiment envie de s’intégrer. C’est un échange de savoir réciproque.

Avec Saveiria , Chantal et Monique, Noëlle a inventé un nouvelle façon de trouver du plaisir à se perfectionner en français.

Ensemble, elles ont construit une histoire qui a pour cadre le chemin de randonnée qui traverse la Corse, le G.R 20 qui offre autant de possibilités d’écriture que d’étapes. L’histoire se nourrit des difficultés rencontrées sur le chemin réel et demande donc un effort de recherche documentaire.

Les dessins et enluminures sont réalisés par les ateliers d’art de « de Guise » et ces dames ont hâte de voir le livre fini avec leur nom dessus car cela fait maintenant deux ans qu’elles s’y consacrent.


article publié sur wikithionville




Aller plus loin.
envoyé par lelierre. - Films courts et animations.

jeudi 24 juin 2010

Annie Hackenheimer : le monde du spectacle


Militant C.G.T, le père d’Annie était le seul rouge de la famille. Les Hackenheimer étaient plutôt des militaires et des douaniers. Lui était dispatcheur à Micheville, l’homme qui règle l’alimentation en gaz du haut fourneau. Toujours de service, avec son brassard rouge pour passer les piquets de grève, le haut fourneau ne devait pas s’arrêter. Le grand-père maternel lui, était pétainiste et lisait à Annie Victor Hugo quand elle avait dix ans. La liberté et la culture à la maison.

Augustine, la grand-mère d’Annie, était une femme indépendante. Couturière de métier, elle avait habillé tout le quartier et non seulement elle est propriétaire de sa maison à 30 ans mais elle se marie à 32 avec Emile Hackenheimer, mutilé de guerre.

autour d'Emile et Augustine en 1956 C’est elle qui encouragera Annie à quitter la maison.

L’enfance d’Annie résonne encore de la guerre. Le four crématoire du camp de concentration de Thill existe encore. Les déportés, évacués en septembre 1944, fabriquaient des v1 et des v2 dans une usine souterraine installée dans une mine.

Annie à l'extrême gauche

Son père, jeune homme, a cotoyé la résistance dans l'entourage d’Armand Sacconi, le futur maire de Villerupt de 1959 à 1986. Pendant la guerre d’Algérie il montera la garde devant la mairie pour prévenir les attentats de l’O.A.S.



Sa mère, membre de l’union des femmes françaises enverra des colis aux soldats.


A 18 ans Annie sent qu’elle perd son temps à l’école. Depuis l’âge de treize ans elle participe aux activités de la M.J.C, et en particulier à l’atelier théâtre avec J.P Minechetti, le fondateur du festival du film italien.



En août 68 elle suit une tournée d’été dans les maisons familiales de l’union mutuelle ouvrière sur la côte d’azur : en rentrant elle est dégoutée de l’école…

Ce qu’elle veut c’est travailler : son père lui a dit qu’elle partira quand elle aura trouvé un travail. A la maison il n’y a ni punition ni récompense. Ses parents partent du principe que c’est à elle de savoir ce qui est bon pour elle.


Annie signe son premier contrat de travail en octobre 1969 : elle a vingt ans et se lance dans l’animation au centre de loisir Sollac de St Nicolas en forêt. Dans l’atelier théâtre qu’elle crée, elle rencontre son futur mari et les trois ans de différence entre eux vont faire jaser : Annie est mutée au centre Jacques Brel à Thionville en 1972. La gymnastique pour dames ne la passionne pas, et en 74 elle entre comme éducatrice en formation au club de prévention de la côte des roses fondé par un couple de libanais, les Chaiaz.


Très vite Annie a du mal à travailler dans la confusion des genres. Elle est trop impliquée émotionnellement, il lui est souvent demandé d’héberger des usagers. L’équipe éducative n’a aucune distance. Pourtant elle peut enfin mettre sur pied concerts et expositions en partenariat avec les centres qui l’ont remercié.

Avec son jeune mari Michel Thomas elle a fondé le théâtre de l’araignée en 1974. En 1978 elle quitte le club et se consacre entièrement à l’Araignée à qui le passage à gauche des villes de la vallée de la Fensch ouvre des possibilités de tournée.

Vendredi noir: une des réussites du théâtre de l'Araignée


Tout le monde dans la compagnie a le statut d’intermittent du spectacle et touche les mêmes cachets à partir de 1980. Annie est actrice, organisatrice des tournées, assistante du metteur en scène : en tant que femme de troupe elle doit pouvoir faire un peu de tout. La vie du théâtre est difficile. Difficile de faire venir les gens pour acheter les spectacles. Difficile de faire venir le comité d’expert de la direction de la culture qui se déplace rarement en province. Le théâtre n’est pas visible.


Il peut vivre sans la commission de la Drac mais, toujours en galère.

Le travail d’Annie est de préparer la saison : le budget et le planning. Il faut faire signer les engagements de spectacles au plus tôt pour pouvoir réserver les acteurs et metteurs en scène à temps car ceux-ci travaillent pour plusieurs compagnies. Les ateliers du théâtre jeune public et du club de prévention du centre ville fonctionnent bien. La force de Michel Thomas est d’inclure tous les enfants dans le spectacle. Il n’a jamais viré personne : « tu ne peux pas parler ! Alors tu bouges ». Il arrivait toujours à sortir quelque chose d’un adolescent.

En 1988 premier redressement judiciaire à négocier pour Annie.

En 1995 dissolution du théâtre pour effacer une dette Urssaf et création de l’araignée théâtre2 en scope Sarl, gérée par les acteurs associés.

Le théâtre vit des ateliers, des spectacles et de 35% de subvention. La troupe vit du statut d’intermittent : à l’époque 52 cachets de 100€ par an donnent droit à 1000€ d’allocation par mois.

Le C.D.T.N sous la direction de Stéphanie Loïc, achetait quelques spectacles. Monsieur Gutman arrive, l’araignée n’est plus dans l’abonnement, monsieur Gutman attend de voir le travail : il ne viendra jamais . La vie devient plus dure.

Marie Duratti et Michel Thomas


Jouer à la recette hors abonnement ne couvre pas les frais d’un spectacle qui mobilise six personnes sur le plateau.

En 2005 un arriéré de caisse et un retard de subvention vont précipiter la liquidation judiciaire du théâtre.










Annie Hackenheimer, la vraie vie d'une élue.

envoyé par lelierre. - Plus de vidéos de blogueurs.


Annie a été élue au conseil municipal en 2008 sur la liste d’union de la gauche et le 3 mars 2010, élue à la communauté d'agglomérations Portes de France qui regroupent 13 communes. Elle travaille aujourd’hui comme employée de vie scolaire à la maternelle St Pierre. Elle prépare aussi les relations publiques de son troisième Festival du Réel en vue, la compétition de film documentaire du centre le Lierre à Thionville qui peut bénéficier ainsi de son expérience du monde du spectacle.











Festival du Réel en vue: projection à la Scala, en présence de Frédérique Lesage, producteur du film"de l'autre côté"



mercredi 9 juin 2010

Evelyne Pigato: à la rencontre des sans-papiers


Evelyne Pigato est enseignante à l’école St Pierre à Thionville. C’est une école biculturelle ce qui signifie que les cours sont dispensés en français et en allemand.

Evelyne est elle-même française, elle est née à Villerupt et italienne par ses parents. Les Pigato faisaient partie de la dernière vague d’immigration italienne en France dans les années cinquante, ils venaient de Marostica. Monsieur Pigato était maçon, sa femme était céramiste puis couturière : elle cousait pour toute la famille.

Fichier:ulev.jpg

Tous deux étaient parmi les premiers membres du cercle de l’U.L.E.V, unione Lavoratori Emigrati Veneti, une des trois associations italiennes toujours active à Villerupt. Evelyne a passé tous ses étés à Marostica jusqu’à ses seize ans. En Italie elle circule incognito, elle aime ce sentiment d’appartenir à la population. En 1996, enseignante fraichement diplômée, elle participe à un programme d’échange franco-allemand de maîtres du premier degré dans une école allemande de Trèves en Rhénanie-Palatinat : elle enseigne le français.




Dans l’école, il y a un groupe important d’enfants d’origine turque en difficulté scolaire. Ils prennent goût à son cours : leurs bons résultats vont leur redonner le sourire.


Quand Evelyne revient en 99, elle enseigne à l’école St-Pierre et continue à se former. Elle passe sa maîtrise de français langue étrangère à l’université de Metz puis un master professionnel.

En 2006, elle est en poste à l’école du Centre et c’est là qu’un déclic se produit. Dans sa classe il y a un enfant sans-papiers : ces jeunes élèves vivent constamment dans l’angoisse d’être expulsés dans leur pays d’origine. Grâce à lui Evelyne va découvrir le monde des demandeurs d’asile et l’antenne thionvilloise de R.E.S.F[2], le réseau d’éducation sans frontière.




Le réseau intervient pour concrétiser les demandes d’asile de ces gens qui arrivent en France dans des conditions difficiles puis les oriente et suit leur dossier. Cela demande des compétences précises qu’elle n’a pas et Evelyne choisit d’aider à sa façon en prenant les enfants en charge pour des sorties et des activités.



Elle réussit par exemple à leur proposer des activités culturelles grâce à la directrice de la médiathèque de Florange et aussi des activités sportives grâce à un ami qui leur ouvre son club de ping-pong. Cela les sort des structures d’hébergement où ils vivent confinés avec toute leur famille dans de minuscules chambres.

Fichier:noel.jpg

Mais les permanents du réseau sont beaucoup plus sollicités. En plus de traiter l’ensemble des dossiers, ils sont capables d’intervenir 24 heures sur 24 pour répondre à une demande d’aide urgente. C’est une tâche usante et aujourd’hui Evelyne constate l’épuisement du noyau dur du réseau de Thionville. Avec ses amies elle a tout de même organisé une fête de Noël pour les enfants dans une salle municipale dans le simple but de leur changer les idées.

Fichier:livre1.jpgdessins de Yahia al Salo


Depuis qu’elle s’est impliquée dans le monde des demandeurs d’asile, elle a rencontré ici et en Allemagne, des migrants dans des situations pénibles. Elle s’est liée d’amitié avec un professeur de philosophie congolais, Guy Bosco Eba et un doctorant irakien, Al Bagdadi animés par la même passion : écrire ce qu’ils ressentent.


Fichier:livre.jpg
dessin de Céleste


Quelques mois après leur rencontre, ils réunissent leurs poèmes et un livre d’artiste prend forme grâce aux illustrations de Céleste, une artiste peintre de la région et Diego, le cousin d’Evelyne, un artiste peintre italien. La guerre, les papiers, la détresse, la vie, l’Amour et l’espoir sont les thèmes de ce livre. Quelques exemplaires ont été édités mais aucun éditeur n’a voulu prendre le relais pour l’instant.

Fichier:b1.jpgFichier:b2.jpg


Pour Evelyne Pigato, enseigner ne se limite pas à la transmission des savoirs mais consiste également à transmettre des valeurs et développer l’esprit critique des élèves. De nombreuses personnes croient en ces valeurs de solidarité qui naissent autour des demandeurs d’asile et on peut espérer une reprise des activités du réseau.