mercredi 29 juillet 2009

un autre regard sur la ville: Jennifer Ramond et Pierre Ciccia


Jennifer Ramond a vingt trois ans et est originaire de Toulouse. Elle a vraiment découvert la ville au hasard d’un stage à l’office du tourisme, qu’elle effectuait dans le cadre de ses études de communication à Nancy en 2008.

A l’office, l’ambiance et les méthodes de travail lui plaisaient tellement que, quand la directrice, Madame Capanna lui a proposé un C.d.i à l’occasion du départ d’une des hôtesses d’accueil, elle a décidé de s’installer à Thionville.

Ses compétences graphiques lui ont permis de prendre en charge la réalisation des affiches de l’office et elle travaille avec le sentiment d’être libre et responsable car elle s’est vu confier également le service des visites guidées. C’est un vrai défi mais elle a appris à se préparer et quand elle guide les visiteurs, elle est vite à l’aise avec les gens.


affiche des chemins de fer de lorraine(début xx°) archives de la ville.

Elle gère les visites tout au long de l’année et choisit les guides en fonction du public qui demande une visite : par exemple, pour un groupe de retraités davantage porté sur l’histoire, elle appellera Pierre Ciccia.

L’accueil des visiteurs lui permet de s’extraire de son travail graphique et l’activité de guide l’a réconciliée avec l’histoire. Elle qui était un peu fâchée avec les dates, a découvert en plongeant dans l’histoire de la ville, que celle-ci se prêtait bien aux légendes et qu’elle recèle mille détails qui rendent vraiment vivante la visite des monuments.


Jennifer part du principe que les gens suivent le guide pour passer un bon moment et qu’elle se doit de leur laisser un agréable souvenir de la ville. Une des exigences de ce métier est de laisser ses problèmes dehors et d’offrir un accueil des plus chaleureux. Elle représente l’office et reçoit les visiteurs avec le sentiment de faire correctement son travail et d’appartenir à une équipe soudée ce qui lui permet de réagir avec sérénité quand parfois elle doit affronter la mauvaise humeur passagère d’un visiteur.


la ville vue du restaurant panoramique le Concorde;

réunion à l'office avec "Pietro" le guide.

Si Jennifer s’est posée un temps à Thionville c’est parce que c’est une ville à taille humaine où on n’a jamais le sentiment d’être enseveli : on peut facilement se déplacer à pied d'un endroit à un autre, le centre piétonnier invite à la promenade et il est facile de se lier avec les gens.






Jennifer et Pietro dans leurs oeuvres : ils nous racontent la ville dans un petit film réalisé cet été.







Pierre Ciccia était encore capitaine de l’armée de l’air quand il redécouvrit Thionville. Il était alors chef du bureau du recrutement de la Lorraine nord et participait au grand rassemblement de montgolfières organisé par la ville et M. Buron Pilâtre, les Ballons de Lumières de 2003. Avec son équipe, il avait installé place Malraux un Mirage 2000, désarmé, que les passants et les enfants des écoles pouvaient visiter pendant une semaine.

Il n’avait que dix sept ans et demi quand il perdit son père en 1975 et se trouva obligé de choisir un métier pour soutenir sa famille. Il se rêvait steward ou encore professeur de lettre mais entra dans l’armée de l’air comme secrétaire au service des ressources humaines en pensant qu’à vingt et un ans il pourrait revoir ses choix. Mais le travail et l’ambiance lui convenaient et il décida de faire carrière dans l’armée. Il a ainsi parcouru le pays de base en base pendant trente deux ans avant de décider que le moment était venu pour lui de partir.


"pietro" dans les rues de la ville.

En 2003 il avait rencontré la directrice de l’office du tourisme de la ville, Manuela Capanna, à un forum des métiers et déjà s’était ouvert à elle de son désir de travailler dans le domaine du tourisme.

Son expérience de six ans à la tête du service de recrutement l’avait mis en contact avec beaucoup de gens et d’institutions et il en avait gardé le désir de travailler avec le public. Ainsi, à la fin de son service actif il devint guide de la ville. Depuis le printemps 2007 il arpente les rues de la ville pour montrer ses beautés cachées aux visiteurs et aux gens du cru car son but est de les obliger à lever les yeux et à découvrir ce qui était toujours là et qu’ils ne voyaient pas.


Pierre Ciccia adore l’histoire et tout ce qui a trait au quotidien de nos ancêtres le passionne car les détails comme l’invention des numéros de rue, le ramassage des ordures grâce au préfet Poubelle, la création du tout à l’égout, évoquent puissamment les conditions de vie des temps passés.

L’histoire est un puzzle qu’il aime reconstituer par recoupements : par exemple, le lien de la ville avec Louis XlV qui reçu en quelque sorte Thionville en dot à son mariage avec l’infante Marie Thérèse par le traité des Pyrénées qui mit fin aux hostilités avec l’Espagne en 1659.

Mais ce qui lui tient à cœur c’est la vie des petites gens qui font la grande histoire. Les serfs étaient véritablement pris entre l’église et le seigneur. Et, quand au moyen-âge, le comte de Luxembourg accorde une chartre de franchise à Thionville, les habitants lui doivent encore l’usage de leurs bras pour la moisson les labours et les semailles et un certain nombre d’hommes de guerre : c’est une servitude déguisée.











les rues de Thionville dans les années 50. archives de la ville.

vue de la ville sans l'immeuble du concorde

« La ville noire » qu’était Thionville dans son adolescence a fait place

à une ville agréable où les gens aiment se promener. Les façades

ont été refaites, et les voitures qui encombraient le centre et cachaient l

les vitrines autrefois ont disparu.

Et quand on a vécu comme lui dans des villes sans parcs ni espaces verts, la ville actuelle a un charme irrésistible.


mercredi 1 juillet 2009

Odile Fabing: la Côte des Roses en noir et blanc.

Odile Fabing appartient à une famille consacrée à l’école. Son père était instituteur, ses cinq frères étaient dans l’enseignement, et son mari était directeur de l’école Victor Hugo en fin de carrière.

Elle se souvient de la passion avec la quelle son père préparait les cours de l’année suivante pendant l’été avec ses petits cahiers ronéotypés : elle-même, quand elle était petite fille, rêvait déjà de corriger les devoirs.

A dix huit ans elle sort de l’école normale et commence à enseigner après quatre ans d’étude. A cette époque l’instituteur diplomé est lié par un contrat de dix ans à l’éducation nationale pour compenser le coût des études qui sont gratuites. Quand elle arrive à la Côte des Roses, le quartier sort de terre et ses habitants viennent de toute la France travailler en Lorraine : tout le monde était heureux d’habiter ces logements neufs car le confort qu’ils offraient était nouveau : salle de bain, W.C. Le paradis.

Cette année, à l’initiative d’Elisabeth Ménégoz, elle a rencontré les anciennes élèves de son cours préparatoire de 1965 à l’école St Hubert ll.


L'école de la Fontaine dont Odile Fabing était directrice, est devenue après extension, la maison de quartier de la Côte des Roses.

Odile Fabing se réjouissait et appréhendait en même temps les retrouvailles, pas sûre de les reconnaître et anxieuse de leur façon de la percevoir : elle était leur première maitresse car les classes maternelles n’existaient pas à cette époque. Les enfants découvraient la maitresse en même temps que l’école.


"schnoupsy" Ménégoz au premier rang

L’institutrice était une référence, les gens n’osaient pas toujours lui parler. Cette distance, elle en a eu conscience plus tard dans sa carrière, l’école et la vie dehors étaient deux mondes séparés. L’institutrice ne prenait pas vraiment en compte la vie des enfants à l’extérieur.

Mais la vie était différente, pratiquement pas de familles monoparentales, peu d’enfants de familles séparées, les Papa avaient tous un travail et la plupart des mamans restait à la maison. L’ambiance était plus sereine et les problèmes moins visibles.



M. Ditsch, maire de la ville au marché de la côte des roses

Le souvenir que ses anciennes élèves avaient d’Odile Fabing était celui d’une maitresse gentille et très exigeante, ce qui ne l’a pas surpris car les enfants devaient réussir, c’est ainsi qu’elle avait été formée. Son rôle était de les amener à développer au maximum leurs capacités et à les faire grandir. Elle savait ce qu’elle pouvait obtenir des enfants et n’hésitait pas à les pousser plus loin.

La discipline en classe allait jusqu’au maintien bien droit, les mains sur la table pour lutter contre la scoliose, déformation de la colonne vertébrale, et les inspecteurs qui venaient dans les classes sans prévenir, étaient très exigeants sur ce point. Les choses venaient d’en haut et on ne posait pas de questions. La règle classait les enfants selon leur aptitude à suivre en classe mais elle a vite fait l’expérience que ceux qui n’aiment pas l’école, s’ils sont bien encadrés pourront trouver leur voie ailleurs. Combien a-t-elle vu d’enfants en difficulté se transformer en techniciens et en ingénieurs !





sur les tables, le strict nécessaire

« Soyez sévères et exigeantes, surtout au début, quitte à relâcher un peu au cours de l’année » : en tout cas elle commençait chaque après midi par une chanson et savait rire avec les enfants.

Odile Fabing a vu l’école s’ouvrir peu à peu aux parents d’élèves et y gagner beaucoup. Sa seule exigence auprès des parents était «en cas de problème, ne nous démolissez pas devant les enfants, venez nous voir ».

De ses trois enfants seule sa fille a repris le flambeau bien que, petite fille, elle disait de sa mère que dès que l’école recommençait, elle n’était plus que maitresse. Ses garçons eux ont vite compris la somme de travail à la maison que cela représentait et ont dit non à l’enseignement.

C’est un métier éprouvant et sans relâche avec ce soucis d’arriver à mobiliser les enfants en permanence. Mais en échange plus elle avançait en âge, plus elle connaissait les enfants et plus elle les aimait. Elle a appris à ne pas les cataloguer en les enfermant dans une idée préconçue de leurs capacités. Quand elle avait un nouveau en classe, elle ne consultait pas tout de suite ses bulletins passés : elle préférait se faire sa propre opinion de l’enfant. Comme avec le petit Tony Russo au bulletin effroyable, avec qui cela avait fait tilt d’entrée et qui a aujourd’hui un niveau Bac+5 en chimie.

Dans les années 70 elle a commencé à accueillir des enfants du foyer Océanie dans sa classe et cela lui a ouvert les yeux sur ces enfants malmenés par la vie. Elle a appris à les prendre différemment et à considérer l’enfant dans son cadre de vie.

Les effectifs des écoles ont baissé progressivement, les classes qui comptaient une quarantaine d’élèves dans les années 60 en ont une vingtaine aujourd’hui. Des six directeurs d’école de la côte des roses il n’en reste qu’un, à l’école St Hubert, M. Noller.



Odile Fabing a pris une retraite anticipée en 1982 et a continué d’enseigner le catéchisme en classe jusqu’en 1993 l’année de ses soixante ans. L’enseignement reste sa passion et elle espère que ses anciennes élèves lui sauront gré des erreurs qu’elle aurait pu commettre.









photos : archives de la ville