mardi 22 décembre 2009

Bérengère Richard: construire intelligent et en accord avec les habitants

Bérengère Richard est ingénieur de la fonction publique depuis 2003. Elle travaille à la direction de l’urbanisme de Thionville où elle est plus particulièrement chargée du projet de renouvellement urbain de la Côtes des roses.

La Côte des roses est un quartier de grands immeubles construits à la fin des années cinquante pour accompagner l’essor de la sidérurgie lorraine.

Ce quartier occupe d’anciennes terres agricoles entre le château de la Malgrange et les hauteurs de Guentrange. La côte des roses en 1950, c’était des champs où on lâchait les vaches tout autour de la ferme de la Briquerie et une route qui descendait en ville. Les immeubles sont sortis de terre.


La ferme est devenue débit de lait pour tout le quartier et la côte des roses ce qu’on appelait alors une cité dortoir.

Bérengère Richard a commencé ses études par un Deug de biologie. Elle s’est tournée ensuite vers une maitrise de sciences et techniques en aménagement et environnement et pour finir, vers un diplôme d’études supérieure en aménagement au Cesa de Tours. Comme les gens de sa génération, elle est sensible à la question de l’aménagement du territoire tout en préservant l’environnement.




Bérengère se demande ce qu’elle aurait fait construire sur la côte des roses dans ces années 60. Mais les enjeux étaient différents et la réflexion sur la construction des villes beaucoup moins élaborée qu’aujourd’hui. Il ne s’agit plus de construire pour construire. Mais de construire intelligent en pensant au confort des habitants et en essayant d’anticiper le manque de pétrole du futur en réduisant nos besoins en énergie.

Les élus ont décidé à la fin des années 90 de transformer la Côte des roses et de l’ouvrir sur le reste de la ville. La Direction de l’urbanisme a engagé des études sur les travaux prévus à la Côte des roses et s’est vue confier la tâche d’élaborer un plan d’ensemble du devenir du quartier.


les immeubles de la rue Molière déjà rénovés.

Les bailleurs sociaux, Batigère, Mosellis, l’O.P.H, sont les maitres d’ouvrage qui gèrent la réalisation des travaux des bâtiments. Bérengère Richard coordonne leurs interventions avec celles des techniciens de la Ville responsables des travaux sur les espaces publics.

Pour faire participer les habitants au projet et leur permettre de trouver un emploi, chaque entreprise sélectionnée pour participer aux travaux doit accepter de réserver au moins 5% d’heures de travail aux habitants du quartier en priorité. C’est l’association Tremplin qui assure la préformation aux différents corps de métier du bâtiment, de la voirie et de l’entretien, des hommes et des femmes concernés.

Depuis le début, Bérengère fait le relais avec l’Agence nationale de renouvellement urbain, l’A.N.R.U qui finance jusqu’à 16% le projet.


Les réunions de réflexion autour du projet ont commencé en 2000 et un protocole de préfiguration des travaux a été signé avec l’A.N.R.U en 2007 permettant de réaliser les premiers aménagements autour de la maison de quartier.

La ville est très vigilante en ce qui concerne le relogement des familles habitant les immeubles promis à la démolition : elle participe tous les deux mois au comité technique de suivi du relogement, aux réunions de la Gestion d’urbanisme de proximité et d’Insertion par l’économique.

Il s’agit dans chaque cas d’arriver à concilier les offres de logement avec les moyens financiers et les désirs des habitants.

Par exemple, en trouvant un équilibre entre le prix qu’ils payaient pour une surface devenue souvent trop importante et celui d’un logement neuf mieux adapté à leur besoins et moins couteux en charge.

Toutes les constructions neuves auront en effet le label haute performance énergétique. Ce qui signifie moins de frais de chauffage.

Une salle du projet va être inaugurée début 2010 à la maison de quartier. Chaque habitant, chaque association et chaque acteur local est invité à rendre ce lieu vivant, avec des animations, des débats et des expositions. Par exemple, les enfants des écoles de la Côte des roses participent déjà à un programme d'initiation à l'urbanisme. Grâce au Conseil en architecture, urbanisme et environnement du département, le C.A.U.E, les élèves se font un regard neuf sur l'architecture de leur quartier.

Bientôt on pourra descendre de la rue de la perdrix au square Fénelon sans obstacle et rejoindre la rue des pyramides à travers de nouveaux espaces verts débouchant directement sur le carrefour.

A la place de la barre longeant la chaussée d’Océanie seront construits plusieurs petits immeubles accessibles à la propriété ou réservé à des logements sociaux mais à l’emplacement de l’immeuble du bas de la rue corneille, les allées et jardins donneront directement sur la rue.


la chaussée d'Océanie et la barre qui doit disparaitre,

le carrefour de la rue des pyramides et l'entrée des futurs jardins


Ainsi seront réduites deux frontières invisibles qui séparaient le quartier de la ville et le quartier en deux, la chaussée d’Océanie et la rue Saint Hubert.

article: creff@wikithionville.fr

mercredi 16 décembre 2009

Karine Wittig : à la découverte de soi.



Karine Wittig a trente deux ans et depuis septembre 2009 elle est retournée à l’université.
C’est au bug de l’an 2000 que Karine doit sa carrière dans l’informatique. Après cinq ans d’études en biologie cellulaire elle cherche du travail dans sa branche mais sans succès. On manque alors cruellement d’informaticiens pour préparer le passage au XXIème siècle et le secteur informatique recrute volontiers tous les chercheurs scientifiques disponibles. Karine passe des tests de logique et de rapidité et après quatre mois de formation intensive elle était lancée !
Jusqu’en 2008, elle a travaillé comme business analyst dans le service informatique de grandes banques, les deux dernières étaient luxembourgeoises. Les banques suivent les marchés grâce à des systèmes de gestion des flux boursiers. Sa tâche consistait par exemple à mettre en œuvre le passage d’un système donné à un nouveau système pour évoluer en même temps que le progrès technique. Après huit ans dans la banque elle avait le sentiment de ne pas avoir fait avancer le monde. Gagner de l’argent, c’est tout.

.à propos des subprimes...



Elle a démissionné malgré l’incompréhension de son entourage : on ne lâche pas un si bon salaire et elle s’est donnée six mois de réflexion.
C’est à Madagascar que le déclic se fait : elle voit la terre colorée de l’île et se dit qu’elle veut faire un tableau avec ça. Tant bien que mal elle ramène un sac de terre et dès qu’elle est rentrée elle invente un mélange de terre et de colle et peint son premier tableau, un portrait d’enfant. Tout le monde la complimente et là elle comprend qu’elle avait oublié une chose : elle sait dessiner. Elle sait peindre.
Ces six mois lui permettront de rencontrer des gens différents et de montrer son travail un soir de concert à la passerelle de Florange où elle vend son premier tableau. Régis, à Thionville, lui offrira les murs de son salon de coiffure pour sa première exposition personnelle.
Elle s’isole un peu de sa famille, elle a besoin de toucher cet ennui profond qui ouvre les yeux sur soi-même. Au bout de cette pause elle se rend à l’évidence : elle a connu le désir de peindre sans s'arrêter.

Maintenant qu’elle sait vers quoi elle veut aller,
il lui faut retourner travailler pour rentrer de l’argent tout en gardant une plage de temps pour créer. L’argent, elle en a besoin pour vivre et pour acheter le matériel. Elle retrouve un job au Luxembourg dans son domaine de compétence mais là, surprise : au bout d’un an elle est virée sans formalités, c’est la crise et les salariés sont bien moins protégés de l’autre côté de la frontière qu’en France.
Elle a droit à deux ans d’allocation chômage et c’est à ce moment là qu’elle décide de suivre les cours de 2ème année d’art plastique à la fac de Metz. Si elle reconnait qu’elle a idéalisé ce monde de l’art et que les rapports avec les professeurs sont moins épanouissants qu’elle l’avait imaginé, elle est contente d’avoir pu suivre cette année. Elle progresse plus vite que si elle était restée seule à chercher dans les rayons de la bibliothèque. Karine a besoin d’une vue d’ensemble pour savoir ce qui s’est déjà fait en art.


Elle veut se démarquer et donner une autre dimension à ce qu’elle fait


Elle sait déjà qu’elle a pour elle ce qu’elle a vécu. Son regard sur le monde, Karine l’a ouvert pendant sa dernière année de formation en biologie au Portugal. Cette expérience de l’exil lui a fait ressentir l’isolement du migrant et le rejet de l’autre. Elle ne parlait pas la langue, elle était vraiment perdue entre le labo sa chambre et l’épicerie. Elle n’a jamais oublié ces sentiments et aujourd’hui, elle essaie de rester attentive aux autres : elle est pour toujours sensible à l’indifférence pour ceux qui sont isolés et qui subissent le racisme.
Après cette année de fac il lui restera huit mois pour valider son expérience et mette son activité en place. Elle sait que la voie choisie est la bonne, elle sera bientôt sans filet mais elle a envie de se donner les moyens et d’y arriver.

Karine Wittig expose à la salle in vitro jusqu’au 20 décembre à Thionville




le site internet de karine : www.pluri-l.com

article: creff@wikithionville.fr

mercredi 2 décembre 2009

Axel Weber et Maxime Weier: l'aventure humanitaire

Maxime Weier et Axel Weber, respectivement 23 et 24 ans, ont choisi un métier solide qu’ils sont sûr de pouvoir exercer partout en ces temps de pénurie de personnel soignant. Ils sont tous deux infirmiers et la sécurité que leur apporte ce métier, a permis à leur désir d’être utile de s’exprimer librement.



L’ADSAR, l’association qu’ils ont crée, a exposé du 30 novembre au 6 décembre salle « In vitro » à Thionville, les photos de Djibrill Dramé. Djibrill est un artiste sénégalais, membre du collectif Mizérables grafff et ses photos montrent une jeunesse africaine qui trouve à s’occuper au pays plutôt que de céder au mirage de l’exil en Europe.

le cercle de lutte /photo Djibrill Dramé

Leur rencontre s’est faite pendant le deuxième voyage d’Axel et Maxime en Afrique. Le premier avait eu lieu à la fin de leurs études en France quand ils avaient accepté ce stage proposé par l’association Visa Santé qui permet à de jeunes élèves de découvrir la réalité des soins en Afrique.


Axel a toujours rêvé de partir, enfant il avait déjà une profonde attirance pour l’Afrique noire. Tout ce qu’il a pu imaginer a été confirmé au-delà des ses espérances. Lui qui est d’un naturel réservé peut entrer en relation avec les gens plus facilement grâce à l’hospitalité traditionnelle des Africains, jamais démentie. Là-bas, les gens viennent à lui alors qu’ici les européens, dans leur jardin, avec grillage et tout, ont perdu cette solidarité et ce sens de l’accueil. Dans le village de brousse où ils ont choisis de travailler, les cases sont ouvertes et les gens vont et viennent librement. Chez ces villageois qui n’ont que le strict minimum pour vivre il y a toujours de quoi préparer un repas pour l’invité surprise.

le BISSAP est la boisson nationale sénégalaise: elle est préparée à base de fleur d'hibiscus


C’est Gallaye Thiam, l’infirmier du village qui leur a donné l’idée de faire quelque chose pour donner un coup de pouce. En concertation avec les plans sanitaires qui existent déjà là bas ils ont décidé de retourner à Ndoucoumane en mai prochain pour une tournée de prévention dans une quinzaine de village pendant deux semaines.


Gallaye Thiam /photo Axel Weber


Axel et Maxime iront de village en village en charrette à cheval animer des causeries de prévention sur les parasitoses et distribuer de quoi déparasiter les enfants et pallier leur carence en fer car les enfants atteints sont anémiés. Ils ont rassemblé les fonds nécessaires en France. Cela comprend une subvention de 160 € de la ville de Sérémange, les 500€ du concours du crédit mutuel, « des jeunes qui osent », que leur avait valu le projet élaboré lors de la deuxième expédition à Ndoucoumane et le produit des ventes à venir de l’exposition. Les médicaments de déparasitages, les compléments en fer et la vitamine A seront achetés sur le marché pharmacologique local pour faire marcher ce commerce et pour des raisons de coût.

Cette expérience de la Terranga, le sens de l’hospitalité propre à l’Afrique, remet notre façon de vivre en question.


Même si pour Maxime il n’est pas question de vivre à la sénégalaise, en voyant l’intérêt commun prendre le pas sur l’intérêt de chacun, comme chez nous en Europe, il a envie de transmettre le témoignage qu’il ne faut pas laisser le progrès détruire la solidarité. Le progrès nous a isolés. Nous avons le stress et la course à l’argent, et si dans la brousse, ils n’ont ni eau courante ni électricité, au moins, ils sont ensemble.


photo Djibrill Dramé



http://adsar.asso.st/