mardi 21 juin 2011

Hélène Botella, la nature en partage

Hélène est responsable d’activité de l'association Les Pieds sur Terre, qui organise des actions et des manifestations sur le thème de l'environnement et de la nature.

A l'origine, avant de créer l'association, leur activité se déclinait dans un Club Nature, un C.P.N. (Connaître et Protéger la Nature). « Ca a commencé avec des enfants et à l'époque le club se réunissait une fois par mois dans ma cuisine. » nous raconte Hélène. Dans le club, les enfants tenaient les rôles de président et de secrétaire. Les ateliers sont devenus réguliers et le club a commencé à construire quelque chose d'un peu plus élaboré. Progressivement, le projet a pris une dimension plus importante avec une ouverture davantage vers le public adulte. Des actions plus concrètes et plus valorisantes pour l'association ont pu être menées.

Les activités de l'association se portent plus spécifiquement sur la nature proche. Elles se déclinent avec des actions de protection. Notamment sur les milieux humides avec la réhabilitation d'anciennes mares. L'hiver, ils apportent une aide aux oiseaux. Parallèlement, ils organisent des sorties de découverte naturaliste où ils apprennent aux gens à découvrir cette nature en prenant le temps de l'observer.

Il est courant que l'association soit sollicitée pour mener des sorties nature avec des enfants. Travailler avec ce public est primordial pour Hélène car elle espère ainsi susciter un intérêt pour la nature existante. Pour elle, il faut que les gens comprennent que l'on doit éviter d'avoir des comportements de destruction des milieux. Quand on voit la transformation des campagnes et la prolifération urbaine, c'est important de sensibiliser les collectivités et le public adulte. Ne pas déverser dans son jardin des pesticides, ni faire pousser n'importe quoi, du type plantes exotiques. « C'est regrettable » souligne Hélène. Il faut surtout sensibiliser les enfants, car on sait qu'à travers les enfants on touche les parents et on peut ainsi les amener à regarder différemment. Hélène part du principe que, plus jeune, on avait davantage cette culture, de prendre le temps d'aller se promener, que ce soit dans la forêt de proximité ou le parc de proximité. Aujourd'hui, « on est dans une époque où on ne fait plus trois pas sans une voiture. » Avec les familles éclatées, tout le monde travaille, on n'a pas le temps. Ça devient regrettable de ne plus avoir ce contact avec la nature comme on l'avait autrefois.

L'idée portée par Les Pieds sur terre, c'est donc de passer ces messages avec des enseignants pour sensibiliser les enfants. « On ne court pas forcément, on s'arrête, on se pose, on s'assied, on prend, on touche, on manipule. » Pour Hélène, c'est très important dans la mesure où ce contact là n'est plus du tout fait. « Il faut amener les enfants à porter un regard différent sur leur environnement proche. »

Hélène puise sa motivation dans le fait de « sensibiliser un maximum de gens sur l'intérêt de protéger la nature qu'il nous reste. » « Et il ne nous reste plus grand chose » précise-t-elle. Elle constate la disparition de certaines espèces, notamment les plantes urbaines, avec l'utilisation systématique de désherbant, qui va faire que certaines espèces ne vont plus pouvoir pousser. Cela mène progressivement à la disparition de plantes, d'arbres, d'animaux qui souvent sont dépendant de l'écosystème d'un endroit. Lorsqu'elle organise des sorties avec des enfants, Hélène s'applique à les emmener à la découverte de sensations : ce qui peut être rugueux, ce qui peut être grand, ce qui peut être petit. « Ca les oblige à découvrir tout ce qui peut être autour d'eux. » Par exemple, faire de la musique avec les choses de la nature leur paraît incroyable, ainsi que les nombreux bruits de la forêt. « Pour eux, c'est une grande découverte. Ils ont l'impression que c'est quelque chose de nouveau, alors que ce sont des choses très simples. »

Quand les enfants lui demandent comment elle sait tout ça, Hélène répond qu'elle ne sait pas grand chose, mais que l'on partage toujours le savoir avec les uns et les autres et ça permet de « grandir sa connaissance ».

Hélène souhaite justement approfondir son savoir. Pour cela elle poursuit sa formation et envisage de devenir Guide Nature. Elle essaye quotidiennement d'acquérir des connaissances auprès de gens qui sont spécialisés et ce qu'elle acquiert, elle le retransmet aux publics qu'elle guide. Pour elle, il s'agit « d' apprendre pour pouvoir redonner ».


Hélène est évidemment concernée par l'enjeu politique qui dirige aujourd'hui les choix environnementaux. Elle estime que la politique de l'environnement lancée par le gouvernement à l'époque du grenelle avait de très bonnes idées. Malheureusement ça n'est pas porté, comme le travail qui avait été fait, par des associations de protection de l'environnement. Elle a eu peur, à un moment donné, que ce soit pris pour une mode. Ça aurait été un peu dommage, mais aujourd'hui elle reconnaît qu'il y a quelques villes qui le portent bien. Il y a quand même les collectivités qui impactent plus localement. Certaines communes ont la volonté de développer la protection de l'environnement, mais ça reste quand même quelque chose de limité et d'artificiel.

Ce qui serait intéressant, selon Hélène, ce serait d'avoir globalement une vue sur une ville ou bien sur un espace, en y intégrant un maximum de partenaires qui sont spécialisés chacun dans leur domaine. « Parce que, en tant qu'association, estime Hélène, on n'a pas forcément toute la science, toute l'expérience possible pour pouvoir discuter d'un sujet. Chaque partenaire peut apporter le plus dans sa spécificité, pour une réflexion plus large permettant de limiter les risques sur un milieu, un espace naturel. » Elle pense que le gouvernement ne va pas au bout de ce qu'il dit. « Entre les paroles et les actes, il y a un énorme fossé. » Mais elle pense qu'on y arrivera progressivement. On le voit dans le domaine de l'alimentation : « il y a déjà une transformation qui est faite avec ce regard un peu différent sur l'alimentation saine, qui est déjà quelque chose qui avance. » Tous les sujets n'avanceront pas de la même façon malheureusement. Ça pourra évoluer, mais il va falloir du temps. « On a des pays voisins qui ont largement avancé les questions relatives à l’environnement, comme l'Allemagne, la Belgique, la Suède ou d'autres pays qui sont plus avancés sur ces domaines. Par contre nous, français, on est un peu durs d'oreille parfois et c'est un peu dommage parce que on est en train de détruire un certain nombre de choses sans en prendre conscience. »


L'objectif de l'association Les Pieds sur terre est bien de faire connaître et de faire découvrir la nature auprès du grand public. Mais Hélène constate qu'on a encore beaucoup d'élus qui ne sont pas assez sensibilisés sur la problématique de l'environnement. Elle nous explique qu'« à vouloir faire des choses parce que le voisin l'a fait à côté, ce n'est pas forcément adaptable sur la commune où l'on est. Il faut bien faire attention à voir l'impact que peut avoir un changement. » Pour Hélène, il est évident que l'on a besoin des collectivités, de l'Etat et autres, mais il faut commencer par toucher « le simple citoyen » car sa prise de conscience va apporter le changement de comportement d’une société et impacter sur le choix d'élire tel ou tel représentant plus sensible aux questions d’environnement. « C'est lui qu'il faut toucher en premier lieu, pour arriver à faire comprendre l’importance de préserver nos ressources naturelles. »

A la découverte de la nature... en ville!

Une ballade au bord de la Moselle à Thionville avec Hélène Botella de l'association Les pieds sur terre.


Le site de l'association Les pieds sur terre ICI

jeudi 26 mai 2011

Yvette Total, peintre thionvilloise de l'art naïf


YvetteTotal par lelierre



Château de Volkrange


Je m'appelle Yvette Total, je suis née à Quinéville en Normandie.

J'ai commencé à peindre en 1979. Je réalise ma première exposition au Casino de Thionville en 1980, puis j'expose à Metz, Nancy.

En 1988, j'ai participé au 2ème Salon International des peintres naïfs à Nancy où j'ai été placée 9ème sur les 41 peintres.

Je puise mon inspiration dans la nature, le rêve, les contes, mais surtout dans mes souvenirs d'enfant. J'ai toujours été très influencée par la nature de ma Normandie, les pommiers en fleurs, les rivières, la mer, les mouettes, les manoirs... Cet univers frais, joyeux et insouciant et poétique, me plonge dans le bonheur de l'enfance retrouvée.

J'ai exposé également plusieurs fois au Luxembourg et certains de mes tableaux ont été exposés en Allemagne.

Dans mes récompenses, j'ai reçu le prix du peintre Ambassadeur à la 3ème biennale de la peinture et de la carte postale en 2001.

En 2006, pour l'exposition Des Tonneaux et des Pinceaux, organisée par le syndicat mixte des 3 Frontières, la Mairie de Thionville et le Centre Culturel Jacques Brel, j'ai exécuté un tableau sur un couvercle de tonneau, intitulé "Promenade au 4, sentier des Amoureux".

En 2007, j'ai eu l'honneur de recevoir le prix spécial du jury aux Palettes du Patrimoine à Rodemack, pour le tableautin en tissu représentant "La Porte de ma Franchise".

Je vis à Thionville en Lorraine depuis 1971. Je suis arrivée ici parce que mon mari travaillait dans les travaux publics. J'ai beaucoup voyagé de par sa situation. Il a travaillé sur des grands chantiers en Afrique, en Australie, en Turquie. Ensuite, nous sommes rentrés en France. Mon mari est allé travailler au Luxembourg, et sur les autoroutes françaises. J'ai ainsi vécu 2 ans et demi à Strasbourg avant d'arriver à Thionville. Mon mari y avait été muté, notamment lors de la construction de la centrale de Cattenom.

Et puis nous sommes restés ! Et finalement, Thionville m'a porté chance. C'est là que j'ai découvert ma peinture, et ça a été le début d'une belle aventure.

En ce moment, je prépare une exposition rétrospective de mes 32 ans d'amour et de passion, pour Septembre 2011.

Place du marché - Thionville


Un après midi à la pigeonnerie


5-7 rue de Jemmapes - Thionville

mardi 26 avril 2011

Rose-Marie Majesté, à la grâce de Dieu

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Rose-marie Majesté a sept enfants et elle fréquente l’atelier linge de la chaussée d’Océanie. Elle n’habite pas la Côte des roses mais les basses terres et là aussi on démolit des immeubles pour rénover le quartier.

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Rose-Marie est née à Haïti il y a trente quatre ans dans une famille de six enfants dont il ne reste que deux frères au pays. Son père est mort et sa mère vit avec son mari à Miami en Floride. Un frère vit également à Miami, un autre à Paris et une sœur ainée en Guyane. C’est chez elle que Rose-Marie est arrivée en quittant son île en 1994. Elle voulait faire des études et un peu de mieux-être. Deux ans plus tard, Rose-Marie est mariée à Jean Claude Majesté. Il est évangéliste.


En 2004 la famille rejoint la métropole avec ses cinq enfants pour suivre des études pastorales à l’institut biblique pastoral baptiste d’Algrange[1] en Moselle. Le mari de Rose-Marie veut rester trois ans en France pour devenir pasteur évangélique, et rentrer en Guyane.


photos IBPB d'Algrange

Sept ans plus tard la famille est sur le départ, elle est resté plus longtemps qu’ils l’avaient imaginé : c’est que les conditions de vie sont meilleures ici qu’en Guyane. L’école surtout[2]. Il manque beaucoup d'écoles en Guyane. Les classes sont surchargées. Les fournitures scolaires sont hors de prix tandis que durant six ans en Moselle les enfants ont eu les fournitures scolaires gratuites à chaque rentrée.


photo bourlingueur.com

Et les prix ! La vie est très chère. Par exemple, deux yaourts sucrés coutent 2,50 euros. Les prix sont triplés et parfois même quintuplés par rapport à la métropole. Autre exemple : ici, deux des enfants sont au conservatoire de musique, l'un fait du piano et l’autre l'Alto : cela revient à trois cent euros par an et là-bas, c’est le prix pour un seul enfant.




Mais la décision est prise et si la famille est encore là c’est pour finir l’année scolaire à Thionville. Les enfants ne sont pas très enthousiastes à l’idée de vivre en Guyane et ça se comprend : Eve, l’ainée avait six ans quand elle est arrivée en métropole. Elle n’est jamais retournée et ne connaît plus personne là-bas. Mais elle s’y fera même si tout ça est flou pour elle encore. Deux enfants sont venus agrandir la famille et Rose-Marie a maintenant sept enfants : le seigneur donne. Dieu décide et il l’a choisie pour faire des enfants parce qu’elle peut le faire. Rose-Marie le sait, personne ne lui a demandé d’avoir autant d’enfants. Mais rien ne dépend de nous, Dieu bénit.

« C’est quand le retour ? » entendent-ils autour d’eux. Beaucoup ignorent que la Guyane n'est pas la porte à coté. Ce n'est pas si comme on devait acheter des tickets de métro pour se rendre a un match de foot lorsqu'on habite aux Portes de Paris. Le départ nécessite des milliers d'euros.

Des billets d'avion pour neuf personnes et un container de douze mètres pour nos effets personnels. Les gens disent : « Pourquoi voulez-vous retourner en Guyane avec sept enfants alors que la vie y est si chère ? »Ils répondent : « notre avenir et celui de nos enfants ne dépend pas de nous. Nous faisons pleinement confiance à Dieu. Il n'abandonne jamais ceux qui se confient à lui. »

La famille a connu des périodes difficiles et des années sans emploi en métropole mais leur foi est ferme, et elle rentre en Guyane avec confiance.

Beaucoup ont des pensées négatives quand ils se retrouvent sans emploi. Ils se sentent abandonnés et méprisés. « Nous comprenons la souffrance de ceux qui ne trouvent pas de travail lorsqu'ils sont père et mère de famille mais ce n'est pas une raison de penser au suicide. Ils peuvent encore espérer et croire à une vie meilleure, tout en mettant leur confiance en celui qui peut tout faire. » Avoir des projets et les poursuivre, c'est très important. On est vaincu lorsqu'on abandonne son but. "Dieu est un secours, un refuge et un appui qui ne manque jamais dans la détresse".


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En attendant le départ, les Majesté doivent faire face au relogement. Rose-Marie était bien dans cet appartement d’où elle pouvait surveiller les enfants qui jouaient dans le parc au pied de l’immeuble. Mais le douze rue Christophe Colomb va être démoli et là où ils vivaient, la rue va couper la banane pour rejoindre l’avenue de Douai. Faute de T6 libre, le bailleur leur a proposé un T4 dans un autre quartier et ils avaient accepté puisque de toute façon ils avaient décidé de quitter Thionville à plus ou moins long terme.


photo renou goussé

Le 25 février un container est arrivé pour expédier le plus gros de leurs affaires en Guyane. La coordinatrice du relogement les avait appelés pour choisir le revêtement de sol dans le nouvel appartement. Et depuis le bailleur dit avoir trouvé un T6 alors qu’il n’y en avait plus mais il ne veut pas dire où il se trouve.

Les Majesté se méfient et ne comprennent pas ce qui se passe. Déjà ils avaient mal perçu le fait qu’on leur propose un logement plus petit alors qu’ils ont sept enfants et là ils craignent qu’on les loge n’importe où puis que cela ne doit pas durer. Mais ils ont des droits.

L’an passé la mère de Rose-Marie est venue à Thionville passer trois mois : cela faisait seize ans qu’elles ne s’étaient plus vu, l’âge que Rose-Marie avait quand elle a quitté Haïti pour recommencer une vie. Elle a sa maison à Cayenne et espère que le Seigneur ne va pas les abandonner : il faut faire confiance et avancer.



Rose-Marie et son mari disent Merci aux deux familles qui les ont aidé à remplir le container sans oublier le voisin qui les a aidé à monter le monte meuble ... ils les oublieront jamais.

« Que Dieu répande sa grâce sur tous les lorrains. Malgré leur incompréhension, nous les aimons et nous souhaitons une longue vie à tous. »


photo bourlingueur.com

mercredi 16 mars 2011

Emmanuel Hauter, à la recherche de Manolo Prolo

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Emmanuel Hauter est fils de mineur. En rentrant d’Algérie où il avait fait son armée, son père qui était chaudronnier de métier s’est marié à Creutzwald. Un an plus tard « Manu » était là et, pour faire vivre tout ce petit monde, son père avait choisit la mine où on gagnait bien sa vie dans les années soixante. La famille vit au village et manu grandit dans un monde davantage paysan qu’ouvrier. A dix sept ans Manu ne sait ni trop quoi penser ni quoi faire. Mais son père lui a laissé le choix : tout sauf la mine. Et comme il cherche une orientation, il choisit aide géomètre, un métier pour savoir où on est.


Aujourd’hui il est technicien topographe dans un cabinet d’ingénieur luxembourgeois, le bureau d’études kneip. Manu est sur le terrain pour faire les relevés préalables à l’ouverture de chantiers. Autrefois on appelait son poste, chef de brigade, il fallait en effet un topographe un aide et un opérateur. Mais le matériel à changé, plus besoin de mire graduée pour repérer les points à mesurer. Aujourd’hui l’appareil de mesure relève automatiquement les points et détecte la mire réfléchissante. Un homme seul peut guider la machine de loin et c’est ce que fait Manu. Depuis que son collègue a quitté l’Entreprise, il préfère travailler seul, à son rythme, responsable de son travail.


Il reste un petit côté militaire et patriarcal à ce métier. Et Manu ne se voit pas en chef. Les choses doivent être faites mais elles sont le résultat d’un exercice collectif et d’une négociation préalable, la synthèse des efforts de tous. Manu pense que le pouvoir pervertit car celui qui l’exerce, a toujours peur de le perdre. Et dans le monde du travail on risque toujours de l’exercer pour le compte d’un patron qui ainsi ne met pas directement le sien en jeu.



Manu en sait quelque chose car adolescent, après s’être retrouvé au chômage, il a rejoint l’armée. Il avait signé pour dix huit mois pour toucher un vrai salaire et il a atterri dans une caserne de gendarmerie à la Courneuve, en région parisienne. C’était l’époque où on devait protéger les opposants de Khomeiny exilés en France. Il était indiscipliné et il a beaucoup appris.


La cité des quatre mille n’était pas loin et il y avait toujours des histoires, des bagarres avec les jeunes du coin. Manu a fini par comprendre que les jeunes qui s’en prenaient au premier bidasse venu, le faisait en représailles à une provocation de certains collègues. En fait, il pouvait aller de la Courneuve à Aubervilliers à pied en traversant tout ces quartiers chauds, sans qu’il lui arrive quoique ce soit. Lui n’avait pas vraiment de conscience politique mais ses camarades étaient curieux de l’extrême droite et il avait assisté avec eux à un meeting du FN, à la surprise des membres de l’encadrement qui s’y trouvaient aussi. Il n’y avait senti que la haine, aucun espoir.


Et puisqu’il était à la Courneuve, c’est finalement à la fête de l’huma qu’il avait trouvé ce qu’il cherchait. Manu renouait ainsi sans le savoir avec ses grands oncles, communistes à l‘époque où c’était vraiment risqué, pendant les années trente. « Voilà que ça recommençait avec son fils » avait dit sa mère à qui tout ça n’avait jamais dit rien qui vaille !


Après l’armée Manu finit par rejoindre l’étude où il travaille encore aujourd’hui. Il fait partie des gens qui vont travailler chaque jour de l’autre côté de la frontière et se demande comment font les smicards qui n'ont pas "la chance" de bosser au Luxembourg pour se loger avec le prix qu’a atteint l'immobilier. Manu croit que les municipalités successives ont laissé s'installer une spéculation qui ne peut plus être régulée alors que la manne luxembourgeoise est sur le point de se tarir et que, comme beaucoup de ville de province, Thionville est entourée par les complexes commerciaux qui écrasent petit à petit les petites boutiques du centre. À l'avenir, la ville risque de devenir un dortoir à caractère touristique.

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Finalement, la seule chose qui ait plu à Manu dans l’armée à part le sport, c’est le sentiment d’égalité que donnait le port de l’uniforme. Et puis l’armée lui a quand même permis de s’affranchir de la famille et de découvrir Paris : le quartier latin, le monde des squats et de la jeunesse marginale, le rock and roll et la bande dessinée.

Même s’il ne dessine pas encore, il sait que c’est ce qu’il veut faire. Il a désormais le virus de la BD, il dévore tout, de métal hurlant à fluide glacial. Il participe à des ateliers, progresse tout seul en dessinant à la maison et produit ses premières planches.


En 1992 Manu anime un atelier de BD au centre Jacques Brel à Thionville, cinq six passionnés mais on ne les prend pas très au sérieux. Ils trouveront un peu plus d’écho à Yutz où Manu participe au festival « ça bulle à Yutz » en 1996 autour d’une exposition « vache », le thème choisit par Johan de Moore, un des invités du festival. Là, il réalise qu’il n’aura de reconnaissance qu’en développant son propre travail dans le plaisir de faire.


Dans les années 2000, son copain Chandre lui ouvre le monde des fanzines[1] et leur association qui s’appelle « les amis de l’absinthe » publie Waasup et Mr Green, cinquante pages où six ou sept artistes publient leurs histoires.


Manu découvre les polars de Jean Bernard Pouy et il les voit déjà en image, en noir et blanc. Son style s’affirme, il a un bon crayonné mais l’encrage est un désastre : la technique du lavis va libérer son imaginaire en lui facilitant les choses. C’est une façon proche de l’aquarelle qui donne aux dessins tout de suite plus de profondeur.


Ses planches oscillent encore entre BD et illustration : comme Xrist Mirror, il a envie de sortir du story-board et de s’offrir des plages graphiques plus grandes, il veut intégrer à la séquence des cases qui sert de colonne vertébrale au récit, un cheminement plus libre : garder le canevas de la mise en scène et suivre le récit à la boussole.

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Avec Chandre il a publié des dessins d’actualité dans le Quotidien, journal luxembourgeois. Mais le nouveau rédacteur en chef a trouvé que décidément le Quotidien n’était pas Charlie Hebdo et ils sont partis.[2]


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Manu appartient au monde de la BD comme contre-culture.[3] Il a vu comment on instille les idées extrémistes dans la tête de ceux qui cherche à tout prix à appartenir à un groupe et comment les ordres répétés en cascade amènent les gens qui veulent être acceptés à accepter des idées insidieuses qui ne leur appartiennent pas. Il publie dans « My Way » un magasine punk animé par Chester de 2001 à 2008.


La dernière fois qu’il est allé à Angoulême, la Mecque de la BD, Manu a rencontré un éditeur fan de son travail, « Même pas mal » qui lui a proposé de publier un album de quatre vingt dix pages. Manu avance, il en est au deux tiers du récit et il a six mois devant lui pour finir.

Emmanuel Hauter, le topographe, est devenu Manolo Prolo, l'auteur de bande dessinée[4], il va sur ses quarante six ans, ses récits deviennent plus personnels un peu grâce à sa femme, férue d’histoire de l’art qui lui a apporté ce qui lui manquait de culture pour nourrir son travail. Il commence à puiser dans des expériences vieilles de vingt ans. La vie, les aventures, se vivent avant de pouvoir se dire.

"l'important est de se souvenir de l'endroit d'où on est parti même si on ne sait pas où on va."

photo républicain lorrain


article publié sur wikithionville