mercredi 17 mars 2010

Stéphane Pfaff: le calme après la tempête


Stéphane PFAFF est originaire de Metz. Il a vingt huit ans. Il est résident du Fomal, le foyer d’aide aux libérés. La rue, les foyers il connaît depuis qu’il a quitté la maison.

Il a 18 ans, sa mère lui fait suivre une annonce de manœuvre en boucherie et il part en Allemagne travailler à la tâche pour une boîte française. Pas de rapport avec les gens de l’usine, il est là pour parer la viande jusqu’à ce que le frigo soit vide : 300 carcasses à sortir parfois, il gagne 17000 francs (2600€ environ) par mois, un désosseur 25000 (3800€ environ).

Il lâche ce job pour un autre qui lui file sous le nez, Stéphane ne sera pas boucher. Il traîne trois quatre ans à Sarreguemines où il logeait pour être plus près de l’Allemagne et travaille grâce à une association intermédiaire, Cap emploi. Viré du foyer où il séjourne, il reprend la route vers Metz. Toutes ces années, il fait les 400 coups et il s’en fout.

Stéphane arrive un jour dans un l’hôtel, avenue comte de Bertier à Thionville. Il se sépare de la copine qui l’accompagne et un soir de 2009 il se retrouve à Florange, chez des gens qu’il a rencontrés par hasard, pour une soirée bien arrosée. Une dispute violente éclate entre ses hôtes : la femme quitte l’appartement en criant suivie par son mari. Stéphane ne peut laisser faire, il dévale l’escalier de secours pour les rejoindre en bas de l’immeuble, s’interpose et quand il se retourne…

Il a tout oublié. Quand il revient à lui, Stéphane est dans une chambre d’hôpital. Il sort d’un coma de deux jours avec une cicatrice sur le torse et douze points de sutures. Ses parents sont à son chevet, il a frôlé la mort.

Et tout a changé dans sa vie. Stéphane devient plus respectueux, il se comporte mieux avec les gens et il comprend qu’il est temps qu’il pense à lui-même. L’alcool est une maladie. Avant il faisait ce qu’il voulait et il avait une mauvaise image. Aujourd’hui il se sent mieux et veut donner une meilleure image de lui.

Pendant les trois semaines qu’il a passé à l’hôpital seuls ses parents et un ami sont venus le voir. Lui qui croyait avoir tant d’amis. Parfois, c’est mieux de rester tout seul. Il n’a de compte à rendre à personne sinon à sa mère et à son père : s’il fait bien les choses ils seront contents aussi.

Cela fait cinq mois qu’il occupe seul un des appartements du Fomal au quartier des Basses-terres. Il préfère ça à la cohabitation avec des gars avec qui ce n’est pas toujours simple. Là il s’occupe de son ménage, il est responsable de l’état de son logement. Il a signé un contrat avenir pour remettre des appartements en état avec le Fomal. Travailler au Fomal lui permettra de commencer à apprendre le métier avant de se lancer dans une formation de tapissier-peintre à l’A.F.P.A. Il faut être sur de son choix car il y a un délai de deux ans entre chaque possibilité d’inscription.

Après il passera le permis. Au Fomal, Hélène, une des éducatrices, l’aide à remplir les papiers, à gérer son budget et l’accompagne en entretien.

Reste à Stéphane à apprivoiser sa blessure et à continuer à reprendre confiance en lui.

Thionville est un peu petit, il y voit toujours les même têtes mais en même temps, comme la famille est éparpillée entre Moulin et Jœuf en passant par Maizières, Stéphane se trouve à un carrefour et il n’a qu’à sauter dans le train pour rejoindre ses sœurs ou sa mère et rattraper le temps perdu.










mercredi 3 mars 2010

Jeannette Meille refuse les étiquettes


Jeannette Meille est un nom d’emprunt : Jeannette veut témoigner mais ne veut pas être identifiée.

Jeannette Meille est née dans une petite ville industrielle du nord, Aulnoye-Aymeries. La fenêtre de sa chambre donnait sur un pont de la marbrerie où son père a travaillé quarante ans comme ouvrier. Malgré les modestes moyens de la famille la mère de Jeannette fera tout pour qu’elle reçoive la bonne éducation et l’enverra étudier en école privée.




Jeannette obtiendra son certificat à 13 ans sautera sa sixième mais les moyens de la famille ne lui donneront que la possibilité d’entrer en école de comptabilité.

Avant son mariage elle travaillera sept ans comme assistante dentaire et c’est avec son mari qu’elle quitte le nord pour s’installer à Volkrange en 1986. Il est technicien dans le nucléaire et Jeannette devient assistante maternelle agrée. Elle gardera une dizaine d’enfants sur une période de quatre ans et demi, principalement les enfants des maisons voisines dont les habitants travaillent aussi à E.D.F.



En 1996 elle est obligée de quitter le foyer conjugal, divorce et s’installe aux basses terres à Thionville avec ses deux enfants. Elle perd forcément sa clientèle de Volkrange même si elle conserve ses amies. Elle n’a qu’une petite pension pour élever ses enfants. Mais elle ne dira à personne autour d’elle qu’elle bénéficie du rmi/rsa. Pour elle, c’est comme porter une étoile jaune. Parfois elle se retrouve un peu à porte à faux quand, parmi les gens qui viennent volontiers lui confier leurs soucis, certains dénigrent les Rmistes. Jeannette ne veut pas de cette étiquette car elle n’est pas enfermée dans un état de précarité sans espoir d’en sortir, elle est accidentée de la vie mais ne vaut pas moins que les autres.


Elle va avoir soixante ans et n’a pas besoin d’être accompagnée dans ses démarches : elle peut se débrouiller toute seule pour la plupart des choses.

En 1999 elle a décroché un C.E.S, contrat emploi solidarité dans une école de Sierck-les-Bains. 50 km par jour pour 2900F (environ 450€).

Jeannette adorait ça mais cela n’a duré qu’un an et en 2001 elle subit les premières attaques de fibromyalgie. C’est une maladie qui s’attaque aux muscles et qui est très handicapante mais les instances de la Cotorep*, commission technique d'orientation et de reclassement professionnel, ne lui reconnaitront pas incapacité de travailler au dessus de 80%.

Elle n’aura aucune allocation et ira en vain deux fois devant les tribunaux. Jeannette ressent ce refus comme un manque de reconnaissance et une injustice.


Dans le cadre du dispositif d’insertion du centre le Lierre Jeannette participe à un atelier de relaxation. Elle se rend compte de la chance qu’elle a de bénéficier de ces séances.

Elle apprend beaucoup sur elle en relaxation et elle met les exercices en application chez elle régulièrement.

Dès qu’elle se sent stressée, elle pratique la « respiration profonde ».

Les gens ne sont pas très assidus, ils ne semblent pas comprendre que c’est une forme d’hygiène de vie et ils attendent souvent des résultats immédiats alors qu’il faut un minimum de discipline et faire bien sûr les exercices à la maison.



Jeannette s’est habituée à vivre dans son quartier, de son balcon, elle a une vue magnifique. Elle regarde les travaux d’aménagement du parc au pied des tours et se demande à quoi ça sert si comme elle l’a lu dans le témoignage de Christiane Schneider sur le blog, il n’y a plus vraiment de tri sélectif dans les tours Roland.




Elle continue à le faire malgré tout mais elle comprend maintenant pourquoi il y a souvent des monticules sur les côtés de la place.

Elle ne craint pas l’ennui car il est toujours source pour elle de connaissance : il suffit d’ouvrir un livre. Le remède contre la misère comme dit monsieur Hulot. C’est la solitude qui lui fait peur, l’isolement du cœur et le sentiment d’abandon.






Elle retourne régulièrement visiter sa famille à Aulnoye et a rencontré là-bas une dame de 88 ans avec qui elle entretient une correspondance régulière depuis trois ans maintenant. Elles s’écrivent deux fois par mois. Bientôt elle aussi sera retraitée.





*la cotorep est remplacée aujourd’hui par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées la C.D.A.PH