vendredi 30 octobre 2009

Yehiya Boncana, un homme qui a de la chance.

Boncana, en sonrhaï, signifie « un homme qui a de la chance ».
Le sonrhaï est une des nombreuses langues qui se parlent au Mali, c’est celle du père de Yehiya, aujourd’hui décédé. Yéhiya parle aussi le peuhl car sa mère est peuhl, le peuple des bergers. Il parle aussi le tamasheq car il a résidé dans une ville tamasheq dans son enfance. Le bambara est la langue la plus parlée au Mali mais le plus souvent, quand on est bambara on ne parle que le bambara et Yéhiya est content de parler plusieurs langues. Yehiha a vingt et un an et vient de Gao, ville de la septième région du Mali, jumelée depuis plus d’une vingtaine d’années à Thionville. Il a fait ses études dans une école agro-pastorale de Gao et a obtenu son brevet de technicien après quatre ans d’études.
Ce sont ses bonnes notes et son projet qui ont retenu l’attention du comité de jumelage et lui ont valu l’attribution d’une bourse d’études. Depuis la mi-septembre, il a intégré l’I.U.T de Thionvillle-Yutz pour suivre une formation de deux ans en génie biologie option industrie alimentaire et biologique sur la transformation du lait en particulier.

le mémoire de fin d'études de Yéhiya et la revue de l'école



Le projet de Yéhiya est en effet de sensibiliser les bergers peuhls et tamasheqs à la conservation du lait pour la fabrication de fromage dans de bonnes conditions. Il aimerait aussi ouvrir une fromagerie. Cette bourse est tombée à pic car, pour lui permettre de poursuivre ses études au Mali, sa mère, qui vit de sa demi pension de veuve, aurait du vendre quelques têtes de bétail. Certains dans l’entourage, laissaient déjà entendre qu’il ferait mieux d’arrêter ses études et de trouver un petit boulot pour soutenir sa mère.

les troupeaux font parfois jusqu'à 40 km
pour rejoindre le fleuve( photos Pascal Maitre)




Mais Yéhiya aime apprendre et il a saisi cette chance de venir étudier en France. Lui qui n’était jamais sorti de son pays, est monté dans un avion pour la première fois. C’est aussi la première fois qu’il se retrouve seul dans une chambre comme ici au foyer des trois frontières. Les couloirs sont déserts et silencieux mais derrière chaque porte il y a quelqu’un comme lui.

Depuis un mois qu’il est là il s’est fait un petit groupe de copains qu’il retrouve au repas du soir où dans la salle télé. Et le week-end, il est souvent invité par des membres du comité de jumelage.

Sa bourse de 450€ par mois lui semblait importante vue du Mali et il est bien obligé de voir combien la vie est chère en France. La nourriture est aussi une surprise. En Afrique, on connaît tout de l’Europe par les images et quand on voit des gens manger à l’écran, on a envie de rentrer dans la télé manger ce qu’on voit. Mais à l’usage, la nourriture est bien plus fade qu’au Mali : il faut toujours ajouter un assaisonnement.


Il est content de suivre les cours de l’I.U.T malgré ses difficultés en chimie et en maths. Le niveau d’entrée est celui de terminale S et il est un peu découragé par ce qu’il lui faudrait connaître pour suivre les cours dans les meilleures conditions : on ne va pas à la guerre les mains vides, à l’école il faut être préparé à ce qu’on va apprendre.

l'I.U.T de Thionville-Yutz


la dune de Gao : l'ensablement menace la boucle du Niger (photo Pascal Maitre)

Il a trouvé de l’aide auprès d’un professeur de biologie du comité mais il a vraiment besoin d’entrainement en chimie et en maths. Comme la vie en Europe, les cours vont très vite. Il est un peu rassuré de voir ses collègues peiner à suivre eux aussi mais il s’étonne que personne ne demande à ralentir le rythme : il n’a pas l’habitude de suivre en même temps les images projetées, écouter les commentaires du professeur et prendre des notes. C’est comme courir deux lièvres à la fois.

Enfin, Yéhiya Boncana ne manque pas de courage, il est prêt à surmonter les difficultés et à s’adapter, même à l’absence de sable de ce pays où tout est goudronné. Il reste déterminé à ramener un diplôme chez lui.

mardi 20 octobre 2009

Claudia Bettadji, Nagila Schouiter, Christelle Itshiari: Le regard, une frontière invisible.

de gauche à droite : Nagila, Claudia et Christelle au casc à Yutz


Nagila Schouiter, Claudia Bettadji, Christelle Itshiari se sont rencontrées au C.A.S.C, centre social implanté dans le quartier « cofimec » à Yutz, pour participer à un petit film du « Réel en vue ». Chacune témoigne de ce qu’évoque « la frontière » pour elle.

Claudia la voit au niveau social, entre elle et les juges, les services sociaux. Christelle a vécu à l’étranger, s’est mariée avec des étrangers et pour elle il n’y a pas de frontière. Mais elle n’ose pas dire qu’elle habite aux « cofimec ».

Nagila pense que la frontière peut rapprocher : son père était harki, elle est française et algérienne. En gardant sa culture d’origine elle efface la frontière.

La frontière est plus une différence qu’on retrouve dans le regard de l’autre et ça, on l’aura toujours, n’importe où. L’être humain est comme ça, le grand le petit, le beau le pas beau, le fort le faible, le riche le pauvre, le gros le maigre.

L’ignorance peut faire du bien, elle évite de regarder et de sentir les choses mais l’idéal est de se battre pour prouver qu’on est capable d’y arriver : arriver à se convaincre soi-même qu’on est capable d’être l’égal de l’autre.

Lui nous regarde pour notre différence et nous, on veut lui prouver qu’on est son égal.

Nagila s’est toujours battue, dans la cours de l’école elle était celle qui sort de l’ordinaire, elle était l’arabe. Il lui a fallu apprendre à lire et écrire sans aide de ses parents et sans aide aux devoirs : à six ans elle s’occupait du courrier aux administrations (au cours préparatoire, on savait déjà écrire à cette époque là). Elle trouvait ça normal car elle n’avait pas le choix. Elle n’a aucun regret et cette période de sa vie en famille est un bon souvenir: devenir le substitut du chef de famille l’a aidé même si cela l’a trop vite responsabilisé.

Claudia a cinq enfants et ne veut pas les pousser à devenir adultes avant l’heure. Elle a toujours vécu en France, son père était malade et elle devait aider sa mère avec ses six enfants. Ses enfants sont blonds aux yeux bleus avec un nom de famille arabe, dans une école où les autres enfants sont bruns à la peau mate. Elle vit avec ses enfants ce que les étrangers vivent en France.

Les enfants de Christelle, treize, huit et quatre ans, n’osent pas aller chercher du pain au Lidl alors qu’au collège tout se passe bien. Heureusement il y a le centre et l’accueil scolaire qui leur permet de faire connaissance avec les autres et de devenir indépendants. Ici on ne fait pas de différence entre les enfants, Claudia dit : le centre est le lien.

Christelle pense qu’on a de la chance de vivre en France. Pourtant elle a connu des difficultés en revenant vivre ici : elle a du prouver qu’elle était française alors qu’elle est née ici. Elle a fait l’expérience de ce que vit un étranger qui arrive en France : elle a du se reconstruire. Nagila est née en 1960 en Algérie et doit prouver encore aujourd’hui qu’elle est française. Cela ne s’arrête jamais.

Nagila se tourne vers ses voisines qu’elle côtoie dans le quartier mais sans les connaître vraiment. On ne se connait pas et on ne cherche pas à se connaître. Nous posons nous même les frontières et nous nous discriminons nous-mêmes. Dans le quartier, nous sommes logés à la même enseigne, nous nous connaissons plus ou moins de vue et dès qu’une personne rentre dans notre vie, c’est l’étranger.

Celui qui a des difficultés ne rêve que de s’en sortir, avancer évoluer, acheter une voiture, une maison, quitter le quartier. Celui qui passe de l’autre côté, va du côté de celui qui regarde.

Pour Claudia, c’est le reste de la ville qui fait que le quartier est comme ça. Quand elle fait une demande de logement, c’est toujours dans le quartier qu’on lui propose un appartement. Christelle : quand on habite ici on reste ici. Il ya bien une aire de jeu mais comment comprendre qu’on l’ait construite si près de la grand route et en plein soleil avec des jeux en fer si durs que les enfants s’y blessent ? Pourquoi a-t-il fallu que Claudia aille voir le maire avec une pétition pour que l’école du quartier soit chauffée comme les autres écoles de la ville ?

Elles ne veulent pas que leurs enfants finissent mal. Eux, ne veulent pas quitter le quartier, ils ont appris à vivre ensemble et connaissent toutes les religions. Ils ne portent pas de regard différent sur l’autre, qu’il soit noir ou blanc.

Pourtant Nagila craint que les enfants n’aillent vers une grande désillusion. Elle voudrait qu’ils sachent que la vie n’est pas le quartier, qu’il faut en sortir, se marier peut-être un jour, trouver du travail et faire de grandes études si possible. Mais elle a peur que la réalité ne les frappe de plein fouet.

Reste, comme dit Claudia, que si on a envie de dépasser une frontière c’est qu’elle ne limite plus rien.

lundi 19 octobre 2009

Virginie Hary: accueillir des femmes en détresse.

A trente sept ans, Virginie Hary est une jeune diplômée : en 2000 elle travaille pour la première fois dans le domaine social, elle est secrétaire dans un foyer d’accueil d’urgence à Metz et c’est Yvette Rolin, la directrice qui lui permettra de se former en aménageant son temps de travail : elle fait deux nuits par semaine, ce qui équivalait encore à l’époque à trente deux heures travaillées et elle peut suivre en voie directe la formation d’éducatrice spécialisée à l’I.R.T.S de Ban St Martin.

En observant les demandeurs d’asile auprès desquels elle intervient, elle a pu mesurer la détresse des pères qui, ne pouvant travailler, sont réduits à l’inactivité et souffrent davantage que les mères qui peuvent s’accrocher à leur rôle de garante du foyer. Elle a compris aussi que les enfants plus vite intégrés que leurs parents, servent trop souvent d’intermédiaires avec les institutions et sont donc confrontés à des situations qui ne sont pas de leur âge.


Etre éducatrice cela veut dire prendre position. Pour Virginie c’est être sur le terrain en relation avec les gens : il faut être présent, partager leur quotidien pour les connaître et pouvoir leur être utile.

Elle est donc diplômée depuis un an quand elle arrive au gîte A.T.H.E.N.E.S. en 2006. Le gîte est un endroit à Thionville où les femmes en détresse peuvent trouver refuge avec leurs enfants. Il peut recevoir quarante personnes, dont quinze adultes maximum dans quatorze chambres et un appartement externe. Ces chambres peuvent accueillir cinq personnes au plus. Cinq éducatrices, deux veilleuses de nuit et toute l’intendance de la maison sont là pour accueillir et entourer les mères et leurs enfants. Chaque éducatrice suit trois familles directement et trois autres familles suivies par une collègue au cas où celle-ci serait absente.

La vie en commun laisse certaines tâches aux résidentes, comme la vaisselle, la préparation du repas du soir et des week-end, le ménage dans les étages et le service à table.


Chaque mardi circule le planning de l’attribution des tâches que les résidentes remplissent selon leur choix et les tâches restantes sont allouées le jeudi après midi pendant la réunion qui rassemble les résidentes présentes et un membre de l’équipe éducative . Ces réunions sont obligatoires et servent à échanger des informations, rappeler les règles de vie en commun et régler les conflits. Une résidente qui change tous les quinze jours porte la parole des autres mamans et participe à la réunion d’équipe éducative du mardi.


la terrasse donne sur le jardin


Chaque éducatrice intervient auprès des résidentes sur un domaine précis : la responsable de l’installation des résidentes, travaille en relation avec la C.A.F, celle de l'aide aux devoirs veille également à la relation mère-enfant. Une troisième éducatrice s’occupe du logement et entretient les relations du gîte avec les bailleurs sociaux.

La quatrième a en charge la santé et la vie quotidienne et Virginie travaille à l’insertion professionnelle des résidentes. Elle sert de tampon entre les institutions et les résidentes en les assistant dans leurs démarches pour retrouver un travail.

Ces domaines d’interventions donnent lieu à des ateliers pratiques tout au long de l’années au sein du gîte.

Les résidentes restent en moyenne six mois à A.T.H.E.N.E.S. et participent à hauteur de vingt cinq pour cent de leur revenu au budget de fonctionnement du gîte.


La buanderie au sous-sol


Virginie est également formatrice de terrain, elle accompagne des étudiants en stage. Elle leur transmet la nécessité de se remettre en question pour être capable de garder une distance critique avec leur pratique auprès du public. Parce qu’ils sont jeunes, les étudiants donnent naturellement tout au public mais il ne faut pas qu’ils perdent de vue qu’ils jouent un rôle dans l’institution et qu’il leur faut être conscient de ce que cela représente comme engagement, être vigilant sur ce qui leur est demandé et sur leurs objectifs de formation : en fait pour Virginie Hary, il faut tout le temps rester en formation.









mardi 13 octobre 2009

première balade périphérique: Basses-Terres, St-François.



la voie du luxembourg, document des archives de la villle

En traversant le quartier Saint François aujourd’hui, il est difficile d’imaginer qu’autrefois la route de Luxembourg était bordée de champs.

Un train traversait même ces champs pour rallier Rodemack, c’était le « jaengelchen », construit à l’époque allemande en 1903 par le groupe Vering et Waechter.


De l’époque des maraîchers qui nourrissaient la ville, il reste encore quelques rares champs cultivés.

Les basses terres elles, étaient autrefois une zone humide qui s’étendait entre la rue Sigoyer et les laminoirs à froid. L’hiver les enfants du quartier allaient jouer sur les eaux prises par le gel.

Les enfants du quartier St François allaient autrefois à pied jusqu’à la maternelle qui se trouvait à côté de la kaiserhalle, plus loin vers le centre ville. La kaiserhalle était un dancing construit en bois avec une façade en pierre du côté de la rue. Un balcon surplombait la piste de danse et permettait d’observer les danseurs tout autour de la salle. Cet endroit était connu pour les bagarres entre les gars du coin et les hussards qui se disputaient l’attention des jeunes filles du quartier. Ce dancing fût finalement racheté par le conseil de fabrique de la paroisse de St Maximin et converti en église provisoire jusqu’à la construction de Notre Dame de l’Assomption en 1956.

Aujourd’hui, à l’emplacement du dancing, se trouve le parc « Avion» dernier espace sauvage dans la ville.

Le quartier des Basses-Terres n’est qu’à cinq minutes à pied du centre ville. La place Roland en est le repère central avec ses deux tours.

La place Roland est en train de changer, elle va être complètement remodelée et l’aménagement de l’aire de jeu des petits a déjà ramené les mamans au pied des tours.

Le quartier va s’ouvrir davantage avec la restructuration de « la banane ».

Cet immeuble tire son nom de sa forme très allongée et courbe qui suit le tracé de l’avenue de Douai sur plusieurs centaines de mètres. Il va faire l’objet de travaux importants qui auront un impact direct sur la vie des habitants qu’il faudra reloger dans des conditions acceptables.


Une percée au bout de la rue Monluc et une autre au fond de la rue Christophe Colomb transformeront ces impasses en voies de circulation débouchant directement sur l’avenue de Douai. Cela créera de nouvelles possibilités de se déplacer entre les différentes parties du quartier en direction des nouvelles résidences.



jeudi 8 octobre 2009

Christiane Louisar, une femme entre deux cultures.

photo louisar

Christiane Louisar est déterminée, elle veut défier le temps pour atteindre les nombreux objectifs qu’elle s’est fixée.

Elle vient du Congo Brazzaville, ancienne colonie française, uniquement séparé de la république démocratique du Congo par un fleuve. Christiane a pu faire ses études au Congo Brazzaville. Après un bac littéraire elle obtient avec mention un B.T.S de Gestion des Ressources Humaines.




Elle a 26 ans quand elle arrive en France pour parfaire ses études.

A Evry elle obtient une maîtrise avec le titre d’Ingénieur Maître en aménagement au développement territorial (option métiers de la ville).

En 2003, elle passe un D.E.S.S de responsable de projet au sein de l’université de Créteil. Elle est cadre conseiller technique en insertion sociale, un domaine qui l’a toujours passionnée.

En 2008 elle quitte la région parisienne pour s’installer en Lorraine pour suivre son mari qui a obtenu un travail au sein de la commission Européenne au Luxembourg.

Christiane Louisar tente depuis son arrivée en Moselle de décrocher un contrat dans le secteur social. En attendant, elle multiplie les missions d’intérim au Luxembourg dans le secteur commercial et administratif pour continuer à se former.

Pour occuper son esprit et ses pensées elle travaille actuellement sur un projet de livre, « la marmite du Congo ». Son but est de préserver les recettes culinaires qui lui ont été transmises de génération en génération par ses ancêtres en faisant voyager les gens à travers les contes et légendes de son pays.

Pour son livre, Christiane n’a pas hésité à solliciter les conseils de Jean Pierre Koffe et Babette et a aussi obtenu la collaboration du graphiste Savio Leitao qui interviendra dans l’élaboration des photos de chaque recette.

Aujourd’hui, son livre n’attend plus qu’un éditeur.



Christiane apprécie la France pour les possibilités qu’elle offre de tout mettre en œuvre pour permettre aux gens d’avancer. Quand son livre sera édité elle a l’intention de reverser une partie de ses gains à une association congolaise d’aide à l’enfance qu’elle a rencontrée sur le terrain et qu’elle veut soutenir. C’est sa manière d’apporter sa pierre à l’édifice du Congo en reconstruction.


les enfants de l'AEED(photo louisar)


En janvier prochain Christiane Louisar proposera cinq ateliers de cuisine congolaise au centre le Lierre à Thionville.

Cinq ateliers autour de cinq plats différents qui seront l’occasion de parler du Congo.

Elle participe à l’éveil des femmes africaines. La culture de sa terre d’accueil lui a montré que les femmes africaines sont restées trop longtemps dépendantes et soumises. Aujourd’hui beaucoup d’entre elles, longtemps marginalisées par les hommes, s’affirment au sein de la société africaine.

mercredi 7 octobre 2009

Marc Betou: du monde du travail à l'éducation technique



Marc Betou vient de passer vingt trois ans comme éducateur technique au F.O.M.A.L, foyer mosellan d’accueil aux libérés. Marc va bientôt prendre sa retraite bien qu’il n’ait que cinquante sept ans : c’est que, petit dernier d’une famille de onze enfants, il s’est retrouvé dès l’âge de treize ans en apprentissage dans une boucherie industrielle de Longeville-les-Metz. Il fallait ramener de l’argent à la maison et à l’époque il ne s’est pas posé de question : il a passé ses diplômes et appris à aimer ce métier. A une heure du matin il déchargeait les carcasses de viandes des camions sur l’épaule avec les autres porteurs puis de quatre à cinq heures il passait à la découpe avant de prendre une pause d’une heure pour finir une longue journée à seize heures.

La boucherie ferme dans les années quatre vingt et après quelques essais à droite à gauche il décide de changer d’horizon : sa femme travaille comme cuisinière au F.O.M.A.L de Metz et il rencontre le directeur qui lui propose de participer à l’ouverture du F.O.M.A.L de Thionville en 1986.

Il devient donc éducateur technique chargé de la remise en état d’appartements et son rôle est d’accueillir des hommes sortant de prison et d’accompagner leur effort de réinsertion dans la société. Trouver un boulot, un appartement, s’occuper des papiers, rétablir les contacts avec la famille et les enfants : quand on sort de prison, on a besoin d’aide.

Au début, le F.O.M.A.L gère de trois à quatre appartement mis à disposition par les bailleurs sociaux, les hommes sont deux par chambre et les éducateurs font le tour des appartement le soir, pour prévenir les excès et maintenir la paix avec les voisins qui ne voient pas toujours favorablement cette présence dans leur immeuble.

L’équipe compte trois éducateurs dont un diplômé, lui ne sera diplômé qu’en 96 à cause du rythme des départs en formation dans l’association : il n’y a en effet à l’époque qu’un salarié à la fois qui peut bénéficier d’une formation dans tous les F.O.M.A.L de la région.

Cette formation lui permettra d’interroger sa pratique auprès des usagers du F.O.M.A.L et de développer sa capacité d’écoute de l’autre : auparavant il avait tendance à faire les choses à la place des jeunes résidents, il a appris à les guider davantage. En les écoutant avec plus d’attention, il les comprend mieux. L’écoute change tout dans la relation : vingt ans avant il aurait dit à un homme difficile à intégrer d’aller voir ailleurs, sans chercher plus loin. Son entrée en matière avec les sortants de prison mettait l’accent sur le fait que leur passé n’entrait pas en ligne de compte pour lui et que ce qui était important était le respect des règles de l’association. Il fallait savoir ouvrir son cœur mais c’était les rapports de force qui réglaient la vie avec les résidents, il fallait en imposer virilement pour être respecté.

Marc a appris au contact des gens et son souvenir le plus émouvant de formation est celui des handicapés qu’il a rencontré dans les foyers de Bertrange et qui eux l’ont écouté, lui : il a pu leur dire la peur qu’ils lui inspiraient.

La peur provoque l’agressivité et en écoutant quelqu’un exprimer sa peur on parvient à comprendre les raisons de ses actes et à apaiser ses tensions.

Aujourd’hui, il n’y a plus qu’un quart des résidents qui sortent de prison, les autres sont adressés au F.O.M.A.L par la mairie et le C.C.A.S.



C’est un chemin vers l’autonomie qu’il faut tracer avec eux.

Cela passe par le retour à une hygiène de vie, se lever le matin et par l’amélioration de leur façon de se présenter : beaucoup n’ont jamais travaillé de leur vie et on ne peut affronter le monde du travail sur un mode familier. Il faut être capable de s’exprimer clairement pour être compris par les interlocuteurs que l’on rencontre.

En moyenne les jeunes restent au maximum douze mois dans le dispositif et si leur situation n’est pas réglée, ils sont dirigés vers le foyer AMLI par exemple.

Quand les chosent s’arrangent et qu’ils trouvent du travail les résidents restent souvent dans les parages en louant cette fois un appartement à leur nom.

Depuis 1991, il ya des filles dans l’équipe éducative et depuis peu les résidents peuvent accueillir leurs petites amies : les garçons respectent les éducatrices qui ont d’autres façons d’entrer en relation avec eux et la présence des amies dans les chambres diminue la violence et motive davantage les garçons pour retrouver du travail.


A la veille de partir Marc Betou sent qu’il a fait un sacré boulot et rien ne lui fait plus plaisir que la reconnaissance des anciens résidents qui parfois l’invitent à manger chez eux.



les collègues de Marc en réunion au F.O.M.A.L