lundi 21 septembre 2009

michel Puccio : le commerce, une forme de liberté

Michel Puccio avait 24 ans quand il a racheté le magasin d’antiquité de madame Hochman situé à l’intersection de l’avenue Comte de Berthier, de Guise et Albert 1er à Thionville.

A cet âge là, on croit tout savoir et c’est plus tard qu’on se rend compte que les anciens n’avaient pas toujours tout à fait tort. Quand on se lance dans le commerce, on ne sait pas tout et on comprend avec le temps. Il n’y a que plongé dans le bain qu’on réalise que c’est un tas de tracas et de soucis d’ouvrir un magasin.

Et il faut une part d’insouciance pour entreprendre car si on réfléchit trop on ne fait rien.

Pour Michel le choix était simple : cuisinier de formation il avait commencé par faire les saisons, partageant sa vie entre les alpes et la cote d’azur. Quand il a rencontré sa femme il a compris qu’il lui fallait trouver une activité qu’il puisse concilier avec la vie de famille.


Il fréquentait la boutique par goût des meubles anciens et petit à petit l’idée lui est venue de s’installer comme antiquaire.

C’est un métier qui ne nécessite aucun diplôme pour l’exercer et la passion lui a servi de guide. Les débuts furent difficiles, heureusement sa femme travaillait.

La recette pour s’en sortir est simple : bosser honnêtement. Etre honnête avec soi-même c'est-à-dire ne rien se cacher de sa propre situation, l’être avec la clientèle pour la garder et la développer.

Car ses vrais patrons sont les clients : il faut coller au gout du jour pour savoir acheter ce qui va se vendre. C’est un apprentissage : il faut faire l’effort de comprendre ce qu’on vend pour être capable d’expliquer ce qui fait le prix d’un objet à un client. La qualité du bois, du travail et l’état de conservation justifient le prix d’un meuble. La réalité du prix s’apprend en se trompant parfois : il est arrivé à Michel d’acheter un objet trop cher par gout et d’avoir du mal à le vendre.

Les surprises désagréables forment aussi le caractère : c’est un monde où il est parfois difficile de savoir d’où viennent les objets et on a vite fait de se retrouver en mauvaise posture. Heureusement, si jamais l’antiquaire achète un objet volé il a toujours moyen de prouver sa bonne foi : il lui suffit de tenir à jour son livre de « police » où toutes les données concernant les achats sont enregistrées. Il existe un marché parallèle très important et les brocanteurs amateurs qui n’ont ni responsabilités ni charges sont une concurrence déloyale car ils peuvent se permettre d’acheter plus cher et de vendre moins cher qu’un antiquaire en magasin. Pourtant la différence est la sécurité et la garantie des achats faits en magasin et Michel Puccio assure en plus un service après vente gratuit la plus part du temps : il n’a jamais refusé de changer une serrure ou d’ajouter une étagère.

C’est sa philosophie, il ne fait pas ce métier pour l’argent mais pour vivre une passion et se gagner un maximum de gens car se constituer un réseau est primordial dans ce métier où la réputation fait le succès.

La période est difficile, l’activité des commerçant en baisse et les banques donnent le mauvais exemple en prêtant peu : pourtant l’argent est fait pour circuler . Si l’argent fait défaut à un maillon de la chaine, il manquera au maillon suivant : si on va moins souvent boire un coup avec ses amis le cafetier finira par fermer et les gens seront tous dans une position de repli.

Malgré ça le commerce reste pour Michel une forme de liberté et pour tout dire :

le jour où il n’y a plus de risque, ce n’est plus rigolo !



lundi 7 septembre 2009

André Alexandre, souvenir d'un enfant dans la guerre


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Monsieur André Alexandre s’installe à Thionville où il est né en 1930, quelques années avant la guerre de 1940. Avec ses parents, il arrive de Villerupt qui représente à l’époque la limite avec le monde francophone. Sa mère gère une petite épicerie au 21 avenue Albert 1er et sa tante une station service de l’autre côté de la route.
Son père est fait prisonnier au début de la guerre : quand la déroute est évidente, la ligne Maginot est ouverte et les soldats poussés à fuir. Le père d’André ira jusqu’à Dijon à bicyclette avant d’être rattrapé.
Il avait pourtant prévu le pire car dès 1933 le canon tonnait en Europe et il avait acheté une Simca cinq pour fuir la ville le cas échéant.








la station service de la tante d'André, avenue Albert 1er




Mais sa femme ne conduit jamais et la voiture sera réquisitionnée par les allemands. Les gens qui avaient évacué la ville pendant les combats reviennent petit à petit dans une ville allemande déserte et endommagée par les bombardements.

Après le retour des allemands, à l’école, la discipline est renforcée, les maitres ont changé et la seule langue tolérée est l’allemand. André ne comprend rien et se montre rétif à toute assimilation.
Les allemands qui occupaient le pays jusqu’en 1918 sont chez eux à Thionville : certains propriétaires spoliés de leur biens reviennent en ville et se réinstallent.

A l’épicerie, les privations dues à l’occupation provoquent des mouvements de foule, presque des émeutes. La mère d’André est convoquée à la kommandantur où il lui est reproché à tord de favoriser certains clients : en fait il s’agit de faire pression sur elle pour qu’elle adopte, avec son fils, la nationalité allemande : elle est née dans la zone d’influence allemande, à Audun-le-Tiche et son fils à Thionville.
Mais elle refuse. Elle est expulsée avec son fils dans des camions militaires un matin de 1940, d’abord vers Metz où ils sont cantonnés dans le temple protestant puis vers Lyon.
Au cours de ces années d’exil, André balloté de place en place, fera l’expérience de l’isolement : sa mère fragile sera plusieurs fois hospitalisée à Digne et à Marseille. C’est là que son mari la retrouvera à son retour de captivité, avant de revoir son fils à Grenoble.
l'école de l'exil à Chateaufort, au dessus de Sisteron

André revient à Thionville en 1946 et poursuit ses études à la Briquerie. Il est resté six ans absent mais se sent immédiatement chez lui. Son père, finalement libéré mais trop faible pour reprendre son travail de déménageur, aide sa mère qui a retrouvé sa gérance d’épicerie.
Madame Alexandre dans son épicerie

La vie reprend doucement avec les restrictions alimentaires et la pénurie de biens de consommation. Dans le logement qu’ils occupent au dessus de l’épicerie, ils n’ont pas de meubles et c’est grâce au mobilier réquisitionné chez les habitants qui ont fui vers l’Allemagne à la libération de la ville qu’ils trouvent à se meubler à crédit.
Des pans entiers de l’avenue sont détruits comme les immeubles qui faisaient face à la boulangerie au coin de la rue de Villars et ils sont contents d’avoir un toit.
Le problème de logement va durer jusqu’aux années soixante et à cette époque là, André qui a intégré Sollac après son service militaire commence à penser à déménager avec ses parents qui sont de plus en plus fatigués. Leur logement est attaché à l’épicerie et s’ils doivent arrêter le commerce il leur faut construire car il n’y a aucun logement à louer en ville.
Ils décident de construire à l’écart du centre, là ou il n’y avait que des champs encore peu de temps auparavant. C’est la villa qu’il habite encore aujourd’hui qui se tient rue de Montluc aux Basses-Terres. Les terrains sont rehaussés de plus d’un mètre pour éviter les conséquences des inondations, la Tafeld, ruisseau qui traversait l’avenue Albert 1er pour aller se jeter dans la Moselle à Manom est enterrée, et la maison monte lentement.
Après dix ans passés à l’usine où il s’occupe du contrôle technique, André veut quitter Sollac pour un emploi plus varié où il aura une voiture de fonction : il a réussit le concours d’IBM mais il tombe sur une petite annonce qui va décider de sa carrière. M. Camille Koppe gère un parc de juke-box et de flipper dans les départements de la région et il cherche un technicien : les réparateurs qualifiés sont rares dans le métier. Les deux hommes s’entendent rapidement. Le courant est passé : ils ont échangé des paroles qui convenaient à l’un et à l’autre, André est sobre et pense bien le rester même en travaillant dans les cafés de la ville et M. Kopp l’entend bien comme ça aussi. Le travail consiste à entretenir le matériel et à faire les tournées d’encaissement dans les établissements de la région.
M. Koppe se retirera dans les années 70 et cèdera l’affaire à ses employés.
M. Alexandre ne se mariera jamais, il garde un vivant souvenir des années de guerre et se souvient qu’enfant il s’est adapté sans mal aux péripéties de l’exil mais il est resté traumatisé par le souvenir des familles séparées par les circonstances et ces adultes qui perdaient la tête de désespoir. A seize ans, il avait déjà décidé qu’il n’aurait pas d’enfant.



La chance a marqué son chemin. Il a exercé sa profession honorablement, loin des basses combines et des voyous arrivistes qui ternissaient l’image du métier. Quand il évoque les enfants terribles du quartier il raconte comment il avait fini par les amadouer : il avait acquis une mini-moto Honda et leur laissait la conduire jusqu’au carrefour voisin. La paix est revenue depuis.


andré alexandre raconte ses souvenirs de petit garçon pendant la guerre:

Patricia Auger : l'Humanité passe par l'autre.

Patricia Auger est membre du service diocésain de la pastorale des migrants. Parmi ses missions à la paroisse Notre-Dame, elle coordonne les cours de français destinés aux nouveaux arrivants dans la région depuis bientôt deux ans.

Ces gens arrivent le plus souvent dans des conditions très difficiles à Metz où ils se signalent à la préfecture pour être enregistrés comme demandeurs d’asile. Ils entrent alors dans le fichier Eurodac. Les conditions d’inscriptions sont simples mais inflexibles : il ne faut pas avoir entamé de procédure de demande d’asile dans un autre pays de l’Europe de Schengen car sinon, le demandeur est immédiatement renvoyé vers le pays où s’est fait ce premier passage. Ensuite les gens sont dirigés vers le 115, le dispositif d’urgence sociale qui les répartit sur les trois centres d’accueil de demandeurs d’asile de la région, les C.A.D.A.: centres d’accueil des demandeurs d’asile qui se trouvent en Moselle à Rosselange, Forbach et Fameck. Pour palier le manque de place, le 115 dispose aussi d’hébergement en hôtel. A Thionville ce sont le Top hôtel, la Licorne et le Progrès qui ont passé une convention avec le 115 et reçoivent les demandeurs d’asile pour un coût moyen de 35 € par couple et par jour. Un couple avec deux enfants occupe deux chambres et revient par exemple à 70€. Ce qui est plus cher que l’accueil en C.A.D.A.

La demande d’asile se fait à l’O.F.P.R.A. l’office français des réfugiés et des apatrides. Si elle est déboutée, un recours est possible auprès de la C.N.D.A., commission nationale du droit d’asile. Dès leur arrivée, les demandeurs d’asile sont orientés au centre d’aide des solliciteurs d’asile de Moselle, le C.A.S.A.M et reçoivent une allocation de quatre euros par personne et par jour versée en bons alimentaire-hygiène.

Il est souvent difficile d’établir la dangerosité des situations qui poussent les gens à fuir leur pays surtout quand ces pays sont déclarés « pays sûrs » par l’Europe : pour cette raison par exemple, un réfugié de Bosnie aura du mal à justifier sa situation alors que son père resté au pays est menacé tous les jours par des miliciens qui cherchent son fils.

Patricia a déjà accompagné quelques personnes à la C.N.D.A et a rencontré leur avocat avec elles. Elle les soutient dans leurs démarches multiples qui sont un vrai « parcours du combattant ».

Elle veille aux conditions d’hébergement dans les hôtels et tente d’apporter un soutien moral aux familles. Elle essaie de démêler l’écheveau des institutions sensées s’occuper de cette population pour obtenir de meilleures conditions, comme par exemple, le lavage du linge qui n’est pas pris en charge partout et complique la vie quotidienne de ces familles déjà si précaire.


Les cours de français sont dispensés bénévolement par des enseignantes retraitées, Mesdames Anne-Marie Foulon, Marie- France Fattore, Marinette Klein et Mariette Wehr. Ces cours trouvent largement leur place dans la prise en charge des demandeurs car c’est un cercle vicieux mais ces gens sans papiers ne peuvent bénéficier de cours officiels tant que l’asile ne leur a pas été accordé.

Dans cette période critique où la France essaie de juguler le flux des réfugiés par tous les moyens, il y a en ce moment un millier de personnes en transit dans le département et des femmes et des enfants enfermés au centre de rétention de Metz.

A l’initiative de R.E.S.F, réseau éducation sans frontière, des gens se rassemblent en Cercles de silence, pour exprimer par leur présence muette leur désapprobation des mesures de durcissement prises par le gouvernement actuel. A Metz, où le maire a participé à la première de ces manifestations, c’est tous les 30 du mois de 18 à 19 heures place d’Armes. Exceptionnellement le 26 mai, ce sont les 140 cercles de France qui se sont réunis en même temps dans tout le pays.

professeurs et élèves réunis.




Gina Lisiero : de la résistance à l'action sociale.

Madame Lisiero est née en 1920. Pendant la guerre de 39-40, elle vit à Maizières avec son mari qui est footballeur quand celui-ci se voit proposer de s’occuper des jeunesses hitlériennes. Après son refus, ils sont expulsés vers Hagondange et c’est là qu’ils vont participer au réseau d’évasion vers la France libre.
C’est le réseau de Marcel Husson, René Fulcheri et Marcel Lisiero. La maison des Lisiero était la dernière étape de la filière d’évasion avant la France libre. Les jeunes réfractaires au service militaire allemand et les prisonniers évadés emprunteront cette filière jusqu’à son démantèlement en 1943. En décembre 1942, Marcel Lisiero est arrêté sur dénonciation. Pour nourrir les évadés qui passent par chez lui, il s’est procuré clandestinement un porcelet. Il est jugé et déporté en Allemagne, à Zweibrücken. Peu de temps après, deux soldats allemands infiltrent le réseau et font arrêter tout le monde sauf Gina Lisiero que les soldats n’ont pas pu identifier. Gina est expulsée en juillet 43 vers Limoges. Ce n’est qu’à la fin des années soixante que le couple reviendra s’installer à Thionville.





L’expérience de la guerre renforcera l’éducation que madame Lisiero a reçu en héritage : elle garde le souvenir de l’hospitalité de ses parents. Hiver comme été les gens qui passaient par chez eux pour aller travailler à Norroy-le-Veneur étaient invités soit à se désaltérer soit à se réchauffer. Son engagement dans l’action sociale vient directement de l’exemple familial, de son tempérament et de la nécessité pour elle de faire quelque chose pour les autres.
A Thionville, elle rejoint l’Union des Femmes Françaises, mouvement auquel elle était déjà affiliée et qui regroupe des femmes de la résistance et des femmes rescapée des camps de concentrations allemands. Aujourd’hui l’U.F.F est devenue Femmes Solidaires : le renouvellement des adhérentes se fait plus difficilement mais Gina Lisiero, malgré ses problèmes de santé reste très active comme présidente. Elle organise des réunions avec des médecins, des professeurs, des écrivains mais déplore le désintérêt des nouvelles générations pour l’action sociale. Elle regrette la solidarité des années d’après guerre et l’énergie qui animait les femmes à cette époque. Elle pense qu’il faut essayer de se rassembler de discuter et de voir ce qui ne va pas et que c’est la peur qui cloitre les gens chez eux. Elle invite les jeunes femmes du quartier à fréquenter davantage l’association pour rencontrer des femmes de milieux différents, s’ouvrir à d’autres façons de faire et profiter de leur soutien.


Femmes solidaires de THIONVILLE

5 rue de l’Agriculture

57100 THIONVILLE


mercredi 2 septembre 2009

Charles Dalmar: la prairie près de la borne, la Milliaire.

Monsieur Dalmar est né en 1940. Son père et son grand-père étaient tous deux architectes. A l’âge de dix huit ans, pressé d’entrer dans la vie active, il renonce au concours d’architecte et il intègre les services techniques de la ville au moment où le dessinateur en titre part servir en Algérie. Deux ans plus tard, il part à son tour, c’est le dernier contingent de vingt sept mois et demi de service. Charles conduit plutôt bien et devient le chauffeur du commandant Dunan à l’état major.

L’hiver en Algérie est une saison étrange : on quitte le constantinois encore pris par le froid et on pourrait se baigner en arrivant au bord de la mer. Pour Charles la guerre a un goût de vacance mais à vingt ans il peut prendre conscience de la légitimité des revendications des algériens et surtout de l’avidité de certains européens qui ne voient dans ce pays que leur profit.

Fin 1963 il reprend sa place : Charles accompagnera l’expansion de la ville et verra pousser les nouveaux quartiers là où il n’y avait que des champs auparavant, la Côte des Roses sur la ferme de la Briquerie et l’immeuble Charlemagne sur le Niederfeld. Il faut bien se rendre compte aujourd’hui, dans les années soixante, les limites de la ville étaient l’avenue de Guise et l’avenue Merlin ! Quand la ville lotira le quartier de la Milliaire, elle réservera des terrains aux employés municipaux désirant bâtir : c’est là que Monsieur Dalmar fera construire le pavillon qu’il habite aujourd’hui.


Petite histoire du sport à Thionville: le Kayak club.

C'est le père de Monsieur Dalmar qu'on voit lire le journal sur l'eau qui fonda le club dans les années trente. Son fils est le bébé assis dans le canoë arrimé au pont.
















le chemin des bains en 1938: la première installation du club















josy Koelsch et georges Kunz, champions du club en route pour les J.O d'Helsinki en 1952


















Charles Dalmar félicité par son oncle Paul dont le nom est aujourd'hui attaché à un gymnase de la ville