vendredi 30 avril 2010

Latifa Chaabt, Micheline Salvatore, Nacera Kelsen-stein: nous sommes la frontière.


Latifa, Micheline et Nacera

pour réfléchir au thème du Réel en vue 2009 nous avions posé les caméras du centre "Le Lierre" au 21 boucle de la Milliaire à Thionville dans les locaux du centre Jacques Prévert. Nous republions cet article pour accompagner la sortie d'un film sur les quartiers de la Milliaire de StPierre et de Bauregard.

Latifa Chaabt, Micheline Salvatore et Nacera Kelsen-stein parlent entre elles de la notion de frontière. Latifa commence.

Il y a des frontières visibles et des frontières qu’on ne voit pas mais qu’on ressent, on s’arrête on demande la permission d’entrer. Soit on a le visa et on entre, soit on ne l’a pas et on s’en retourne. C’est ça la frontière invisible : il ya ce respect pour la personne et j’attends. Ai-je la permission d’entrer dans son monde ? Chacune a besoin de ses petites frontières : si la personne ne garde pas son secret, c’est une gène.

Nacera n’arrive pas à exprimer ce qu’est la frontière car la frontière est partout : dans la culture, dans la religion, dans le travail, dans la personne elle-même, par exemple, la religion en est une : elle dit ce que doit faire la femme.


Micheline se rappelle la première fois qu’elle a du manger séparément de ses amis masculins en Tunisie. Elle a l’habitude de partager avec ses amis et cette séparation l’a choqué. Ce jour-là elle avait failli partir : elle n’avait pas osé poser la question. Micheline pense que les tunisiens sont timides et renfermés et qu’il ne faut pas poser de question sur ce qui se passe chez eux.


On lui a dit plus tard que c’était la coutume mais personne n’a jamais pu lui expliquer pourquoi.

Nacera ne voit là rien de choquant car ça se fait encore aujourd’hui, les garçons vont avec leur père, les filles avec leur mère. Elle explique la séparation par la timidité : les femmes ne peuvent pas rire devant un étranger. « Nos mères sont comme ça, on a été élevées comme ça. Ce n’est pas de maintenant. »


Quand elle était enfant, Latifa supportait assez bien les marques de différences à l’école, « tu n’as pas la même couleur, tu ressembles à du chocolat » : elle cherchait à s’intégrer, il fallait vivre. Quand elle a eu des enfants, c’est devenu moins évident à supporter. Elle voulait que ça change, elle ne voulait pas que ses enfants subissent la même chose qu’elle.


Nacera elle, s’est intégrée facilement et directement à la société française et elle en parle avec ses enfants: ils sont nés ici, ils sont français. Mais elle redoute un rejet possible à cause de leur nom de famille français. Elle prépare ses enfants car elle ne voudrait pas qu’ils souffrent en grandissant, d’être rejetés de la communauté arabe.


Latifa remarque que quand elle va là-bas au Maroc, elle n’est pas considérée comme les gens du pays et quand elle est ici , elle est toujours obligée de se battre pour légitimer son appartenance à son pays, la France. A chaque fois elle se sent un peu perdue et elle a besoin de faire le point. Elle a deux pays. La France est une grosse part d’elle-même, le Maroc ses origines.


Micheline sait que la langue tue et qu’il faut réfléchir avant de parler car les mots restent : une fois la personne vexée on ne peut plus rien changer à ça.

Ce qui l’a fait le plus souffrir par le passé, c’est le regard des autres sur sa petite taille, ces gens qui la dévisageaient et se retournaient quatre, cinq fois sur son passage. Elle rigole elle-même de sa petite taille sinon elle resterait toujours au passé. Alors même elle, elle passe par-dessus aujourd’hui.


Nacera dit qu’il ne faut pas écouter les gens, que quand on veut faire du mal, on trouve. Latifa ajoute qu’on est des êtres humains avec leurs défauts et leurs qualités. On se fabrique des maisons, des jardins des petits terrains, on délimite, on est content… Après, on détruit, on est content…

Heureusement le racisme physique diminue. D’une époque à l’autre, il y a des progrès. Ce qui est bien c’est que les enfants d’aujourd’hui sont très éveillés. Le monde moderne a un impact sur eux et bizarrement, elle n’a pas peur pour eux. Plutôt que de tirer la couverture d’un côté ou de l’autre, il faut essayer de la stabiliser dans une atmosphère saine pour tout le monde. Et trouver un juste milieu entre Orient et Occident. La perfection n’est ni l’Orient ni l’Occident, mais les deux. C’est la force de Latifa, elle en est fière et elle fait en sorte que ses enfants communiquent ça à leurs camarades pour qu’ils s’échangent ces richesses.


la rue Paul Albert sépare le quartier en deux : de la vient la nécessité des locaux du 21 bcle de la Milliaire




le film réalisé avec l'office du tourisme sur le quartier



Ballade périphérique : de la milliaire à Beauregard.
envoyé par lelierre. - Regardez les vidéos des stars du web.

lundi 12 avril 2010

Katherine Kombia: une A.M.A.P à Thionville

Katherine Kombia est née dans un petit village de Bretagne. Son père, musicien, tenait une café-restaurant avec sa mère, couturière. Le restaurant était la cantine d’une petite entreprise du village et chaque week-end son père jouait de l’accordéon pour les habitués.

La famille avait son potager et les enfants allaient chercher le lait, le beurre et les œufs dans une ferme voisine. De cette enfance rurale Katherine a gardé la nostalgie de produits frais, de saison et de qualité.

Aujourd’hui, elle est la présidente de Terre citadine, une association dont l’objectif est de créer sur l’agglomération thionvilloise une AMAP, association pour le maintien de l’agriculture paysanne, affiliée au réseau national.



Une A.M.A.P est l’association d’un maraîcher et d’un groupe de consom’acteurs :


Le maraîcher s’engage à :


- approvisionner régulièrement et fournir des produits de haute qualité (sanitaire, nutritionnelle) selon les modalités définies avec l’association (agriculture paysanne ou bio)

- être « transparent » sur les conditions économiques, sociales et écologiques de production


Les adhérents à l’A.M.A.P s’engagent à :


- acheter à l’avance la récolte sur une période donnée pour recevoir un panier hebdomadaire

- être Solidaire dans les aléas de la production : partage des risques et des bénéfices naturels

- participer à la vie associative : organisation des distributions de paniers, participation aux travaux collectifs (2 demi-journées minimum par an)


L’idée de monter une A.M.A.P est venue à katherine Kombia en faisant ses courses : un jour, elle réalise que salades et pommes de terre font beaucoup de kilomètres avant d’arriver au supermarché. N’y a-t-il pas moyen de faire autrement ?



Un tchatche-café organisé sur le thème de l’AMAP par l’association d’éducation populaire A.T.T.A.C au début de l’été 2008, attire une trentaine de personnes : le sujet intéresse les citoyens !

Un collectif est alors organisé qui se charge de démarrer le projet et prendre les premiers contacts.

Fin 2009, l’association Terre citadine est crée avec cinquante cinq adhérents. Pour les membres de l’association, il ne s’agit pas de changer le monde mais d’obtenir une amélioration concrète à une échelle humaine.

dessins: Lefred-Thouron

Cinquante cinq adhérents, c’est un bon nombre car une A.M.A.P ne peut pas fonctionner correctement en augmentant indéfiniment sa production. C’est pour cette raison que dès qu’une A.M.A.P atteint un seuil d’adhérents suffisant, elle essaime. C’est à dire qu’elle parraine la création d’une autre association, en lui faisant profiter de ses acquis et de ses savoirs pratiques.


Les municipalités de l’agglomération de communes sont intéressées par le projet, Yutz par exemple, a proposé des terres à exploiter le long de la Moselle et Thionville, un verger à réhabiliter sur la colline de Guentrange. La fin de l’ère sidérurgique et la proximité du Luxembourg ont attiré de plus en plus de transfrontaliers à Thionville. Il a fallu beaucoup construire pour loger tout le monde et cela s’est souvent fait au détriment des parcelles de maraîchage.

Aujourd’hui, les derniers maraîchers existant sur le secteur sont en instance de retraite et Terre citadine cherche encore un maraîcher avec qui s’associer et développer son modèle d’agriculture. Le C.F.P.A de Courcelles-Chaussy à côté de Metz, organise depuis un an une formation au maraîchage bio. Un partenariat est à l’étude et c’est peut être de là que viendra le futur maraîcher de Terre citadine.